1769-06-19, de Marie Louise Denis à Pierre Michel Hennin.

Je suis pénétrée de reconnoissence Monsieur de tout ce que vous faites pour moi auprès du patron.
Mais je crois que toutes nos tantatives seront inutilles. Je pense apsolument comme vous. Il ne faut plus lui en parler du tout. Je lui ai fait cette proposition pour me raprocher de lui, et pour lui laisser son entière liberté. Puisque cela ne lui convient pas je n'y pense plus du tout. Si par la suite cette idée lui revient et qu'il désire qu'elle s'efectue (car vous sçavez qu'on change dans la vie) pour lors je l'accepterais. Mais il faudrait que cela vint actuelement de lui même et je suis dans la ferme résolution de ne plus lui faire de propositions de ma vie. Je vous suplie cependand de me conserver toujours votre bonne volonté, et de croire que mon amitié pour vous est inaltérable et que je sens tout l'avantage de votre aimable sossiété.

Je crains que cette lettre ci n'arrive qu'après que vous aurez effectué ce diner que vous progetez de faire chez lui. Au nom de l'amitié ne lui parlez de rien à moins qu'il ne vous attaque le premier. On ne fait plus revenir le patron, s'était bon autrefois. C'est même la seulle marque de vieillesse que je lui connoisse.

Je souhaite que la grande amitié qu'il a pour mr D. ne lui soit pas funeste. Ne lui en parlez pas. Pour moi je suis sancé l'ignorer. Il ne m'en a jamais dit un mot et je ne lui en ai jamais rien écrit.

Il ne m'a point encor répondu n'y à la lettre que vous avez eu la bonté de lui remettre pour moi n'y à une autre que je lui ai écrite depuis. Enfin il y a près de trois semaines que je n'as raçu de ses lettres ce qui ne m'est pas encor arrivé depuis que je suis à Paris.

Nous avons ici un temps déplorable. Il pleut toujours et il fait froid comme en iver. Je suis à la campagne par raison, pour éviter la dépense de Paris. Mon état est fort peu assuré et je crains toujours de m'endaiter. J'espère cependand que tout ira bien. Mon établissement m'a coûté beaucoup. Il faut réparer par de l'économie.

La pauvre petite mme Dupuits m'inquiète surtout depuis que son mari est apsant. Elle est bien tristement à Maconet. Je vous la recomende. Elle mérite qu'on ait de l'amitié pour elle. Elle est plaine de sentiment et a le coeur exelant. Convenez qu'il y a bien de la dureté de nous avoir tous éparpilléz de cette façon sans nulle espesse de raison. Je souhaite de tout mon coeur que Versoy prospaire, cela éguaiera le païs et ne fera nul tort à Geneve. Ils comerseront avec Versoy si Versoy devient une ville de comerce. Les protestans y seront bien reçus. Le païs sera peuplé. Il n'y a qu'à bénir dieu et le roy. Adieu Monsieur, écrivez moi quel quefois. Ne doutez pas du plaisir que vous me ferez et des sentimens inviolables avec les quels j'ai l'honneur d'être

Votre très humble et très obbéissente servante

Denis