1762-06-21, de Marie Louise Denis à Henri Louis Lekain.
je vous écris sur une feuille simple
pour rendre la lettre moins grosse

Je suis pénétrée de reconnoissence Monsieur de la belle action de Monsieur le Moine. Il est bien doux de vivre avec Monsieur de Voltaire et d'avoir sa copie par Monsieur le Moine. Je le regarde comme le premier artiste nom pas de son siècle mais de tous les siècles passés et avenir. Ce monument sera bien cher à la nation. Je vous adresse une lettre pour cet homme admirable, ne sachant où il demeure. Je vous prie de l'engager à finir son ouvrage et de lui dire à quel point je suis pénétrée de la grandeur de son procédé et d'avoir commencé l'ouvrage avant que j'usse osé l'an prier.

Je ne sçais pas qu'es ce qui a pu inventer que nous marions Mlle Corneille à un de vos camarades. Elle n'est point encor à marier, elle n'en a même nulle envie, mais je vous avoue franchement que je ne chercherais à la déterminer que pour quelqu'un qui puisse lui donner un état dans le monde. Elle est bonne demoiselle, il faut qu'elle trouve un bon gentilhomme, encor faut il qu'il soit aimable et riche ou elle fera beaucoup mieux de rester avec nous. Vous voiez Monsieur qu'elle est encor loin de songer à ce marier.

Mon Oncle a été bien malade depuis votre départ. Il est assez bien actuelement, mais il a besoin de beaucoup de ménagement. Nous comtons jouer la comédie cet autonne lors que nos acteurs seront revenus.

On a fait bien des changemens depuis votre départ à Cassandre. Nous Comptons la rejouer mais je reprendrai Statira et je ferai jouer Olimpie par une geune personne qui vaut mieux que votre Alzire.

Adieu, soiez bien sûr Monsieur de notre amitié. L'oncle et la nièce vous sont attachez pour la vie.

Denis

Je vous recommende Ma lettre à Mr le Moine et de l'engager à achever l'ouvrage.