[c. 20 November 1761]
1.A Nous soupçonnons que vs pourriés bien avoir raison par rapport à la froideur que les deux scènes que vous ns avions demandées au commencement de la pièce pourroit y jetter, et qu'elles nuiroient au coup de théâtre du mariage, mais ns persistons toujours à penser que si le spectateur n'est pas de bonne heure au fait de l'amour d'Olimpie, cet amour ne l'intéressera point, et peut être le révoltera.
Trouvés dont le moyen de l'y mettre, ou en échauffant leB serment du mariage, ou en faisant dire à Cassandre combien il se croit aimé, ou plutôt combien il en est sûr. Vs prétendés qu'Olimpie doit être un personnage inférieur, et même faible, puis que vs prononcés qu'il ne convient pas à melle Clairon, après avoir mis dans votre 1ère lettre, donnés la veuve d'Aléxandre à m
elle
du Mesnil, Olimpie à Clairon et allés.C Ns n'avons pas été si vite, dieu merci, mais cependant ns avons prévenu melle Clairon qu'elle l'auroit. Eh à qui, bon dieu, le donneriés vous! Si Olimpie n'intéresse pas dans le commencement, elle n'intéressera jamais, quelques belles choses qu'elle fasse après la mort de sa mère. Statira aura beau être touchante, si Olimpie ne déchireD pas le coeur la pièce est tombée.
2. Pendant que ns tenons Olimpie, il semble que vs preniés effectivement à tâche de la gâter. Vs n'avés pas daigné seulement faire attention à cette réponse si foible et si difuse, qu'elle fait lors qu'on lui propose d'épouser AntigoneE, qui ne vaut rien, mais rien du tout. Vous n'avés pas non plus essayé de peindre l'Etat violent où elle doit être dans sa scène du 4 avec Cassandre, où elle arrive encor sans nulle raisonF, puis qu'on ne sçait pr quoi elle sort ni où elle va. Et ns vs dirons encore avant de quitter cette scène que Cassandre n'y est point non plus tel qu'il doit être, il est plusG galant que passioné, et commence même par des madrigaux.
3. Vous êtes convenu du défaut de la scène où Cassandre venoit prierJ Antigone, mais vous ne l'avés pas corrigé. Vs avés ôté le mot de prière au commencement, et mis quelques vers de force, cela n'est point du tout encore comme cela doit être, mais relisés un peu la fin, c'est bien pis! et vs verrés que le défaut subsiste dans son entier.
4. Bien loin de faire attention à ce que ns vs avions dit, sur ce qu'il faloit bien se garder qu'Antigone eût été du nombre des meurtriers d'Aléxandre, puis que Cassandre ne manqueroit pas d'en avertir Statira, qui alors ne doit pas plus vouloir de lui que de l'autre, vs avés chargé sur ce défaut en faisant dire à cette même Statira qu'elle est réduite à choisir son vangeur entre les empoisonneursL; passe pr cela, s'il n'étoit question que d'être vangée, et de détruire ces scélérats l'un par l'autre; mais qu'elle veuille donner sa fille au complice du meurtre de son mari, fy donc cela fait horreur! Il est vrai qu'Antigone a de moins de n'avoir pas attenté sur elle; mais ce serait là une jolie raison! Je ne m'étendrai pas davantage là dessus, vs en sentirés toute l'absurdité.
5. Vs ne ns avés point répondu sur la nécessité de faire une sortie au grand prêtre dans cet endroitM où il est si longtems sans parler, ni sur ces gens qui sortent à la fin du 3 pr s'aller battre ailleurs que dansN un lieu que cela prophaneroit, qui n'en ont apparemment pas eu le tems dans l'entracte; et qui reviennent au commencement du 4 se battre dans le même endroit, cela est il soutenable? ni sur l'inutilité de faire revenir Antigone à la fin du 4, ce qui empêche qu'il ne finisse avec chaleur. Mais en revanche vs êtes entré en justification sur l'ancienne et forte amitié d'Antigone et de Cassandre, qu'assurément ns n'avons point combattüe, et que ns approuvons fort.
6.o et ultimo: vs croyés donc qu'il n'y a rien à faire à votre 5e acte, et qu'il est aussi touchant qu'il peut être? Ce n'est nullement notre avis, et sur tout ns n'aimerons jamais cette irronie que vs trouvés sublime.Q
Ns vs renvoyons pièce et corrections que ns n'avons pas portées sur l'exemplaire, parce qu'il y a vrayement bien autre chose à y mettre! Fachés vous tant que vous voudrés, maïs aimés ns, corrigés et bien.