ce 16 aoust [1755] des Delices
Mon cher Coeur vous rendez la vie à ce pauvre Florian, il m'a écrit hyer, il est enchanté de vous, cependant il vous demende apsolument les Catres lignes nom pas qu'il les croie bonnes mais par ce qu'elles corrigent ce qu'on dit de ce Dominique Bronce, vous voiez par ces quatres lignes que son état est bien adouci, il les faut apsolument.
A l'égard du quinzième chapitre il faut apsolument qu'il existe par des raisons que Florian n'a pu m'expliquer par écrit mais qui sont indispensable.
Savez vous que je suis trop bonne de m'amuser à un mauvais roman et de vous en parler lors que nous avons ici des chagrins mortels de cette chiene de pucelle. Ce nommé Grasset dont Mr Dargental nous avoit parlé est vennu ici proposer à Mon Oncle de lui vendre ce manuscrit et pour l'engager à l'acheter, il lui en a montré 17 vers que l'enfer rassemblée àpeine a pu invanter. Mon Oncle en fut si frapé qu'il a pris sur le chant le parti de les defférer à la justice en demendand qu'il fussent brûlés et que l'homme soit arrêté ce qu'on a fait sur le chant à sa réquisition. Il a dit que s'étoit un nommé Mauber homme sans aveu ex capucin qui est actuelement avec des anglais qui avait ce manuscrit infâme, on a mis Grassé hors de la ville dont il est banni et le Conseil a écrit à Mon Oncle la lettre [la] plus consolante qu'il pouvoit désirer en l'assurant qu'il lui rendroit toujours justice. Mais cela ne nous rassure pas pour le reste de l'Europe où une troupe de coquains sous prétexte de cet ouvrage font courir les infamies les plus absurdes sous le nom de mon Oncle, cet événement lui donne un chagrin si mortel que tout lui devient indifférant jus qu'à sa pièce à la quelle il m'a été impossible de lui faire refaire aucun ver.
Il veut apsolument qu'on la joue tel quel est sans y rien changer n'y sans y rien obmettre et me charge de vous le mender. Je ne peux le tourmenter sur rien dans l'état où il est car il m'est même pres qu'impossible de lui parler.
Mon cher coeur je passe mes jours dans le sesissement ou dans les larmes, il y a un mois que je n'ai pu sortir de cet état un care d'heure, je doute que vous me retrouviez l'année prochaine ici, la nature humaine n'est pas assez forte pour soutennir longtemps un pareil état, j'espère encor cependand que vos soins me rendront la vie.
A l'égard des rolles que Mon Oncle voulait changer, il ne le fesoit que sur une lettre de Mr de Richelieu qui vouloit apsolument que Grandval jouât dans la pièce affin que le rôle de Zamti que nous croions le plus beau et qui doit faire un effet prodigieux fût bien randu d'autant que nous savons que Sarazin ne joue que par Complesance actuelement. Mais tout est bien comme cela mon Coeur; soignez Gengis, aiez pitié de nous, soignez toutes nos affaires sans oublier pourtant le pauvre Fleurian que nous aimons.
Adieu, Mon Oncle vous embrasse et vous fait mille tendres remercimens. Nous vous aimons de tout notre Coeur et nous attendons notre repos et notre consolations de vous. Dites des choses bien tendres pour nous à Mr Dargental, c'est un ami bien essentiel bien aimable et bien respectable.
Retenez bien ma chère enfant ce que je vais vous dire
1. je crois qu'il faudrait que Monsieur Lange et monsieur Lamoi consultassent la personne à qui mr de Florian envoya la chose il y a environ deux mois. Cela me paraît capital.
2. je pense qu'il faut que ce roman ne paraisse point pendant les représentations.
3. j'ay grand peur de Sarrazin, et je ne sçais rien de si ridicule de si insolent et de si ingrat qu'une trouppe de comédiens. Azir n'est point un nom chinois, et il faut être bien bête pour ne pas imaginer que Gengis avait eu une femme et des femmes avant de voir Idamé.
4. si on y change un vers je désavoue tout l'ouvrage.
5. je me réfère à tout ce que votre sœur vous mande; elle est bien à plaindre. Je vous aime de tout mon cœur, et je vous recomande une santé qui m'est chère. Embrassez pr moy votre fils.