1768-05-02, de Jean Pierre Biord, évêque de Genève-Annecy à Voltaire [François Marie Arouet].

Monsieur,

Vous attribués donc à L'aigreur ce qui au vrai n'est de ma part que l'effet du zèle dont je dois être animé pour tout ce qui intéresse Le salut des Ames et L'honneur de la religion dans mon Diocèse.
Cette considération m'auroit interdit toute ultérieure réplique si je n'avois cru devoir encore celle-ci à la justification des personnes que vous taxés de vous avoir calomnié auprès de moi. Mrs Ancian, Mr Le Doyen de Gex, Mr L'aumônier de la Résidence ne m'ont pas plus parlés de vous que tous les autres, et Lorsque L'occasion s'est présentée, ils m'en ont dit bien moins que ce que j'avois déjà appris par la voix du public. Ce n'est donc point à leur rapport que vous devés attribuer le fondement des justes représentations que j'ai été dans Le cas de vous faire en qualité d'Evêque et de pasteur. Vous connoissés Les ouvrages qu'on vous attribue, vous sçavez ce que l'on pense de vous dans toutes les parties de L'Europe, vous n'ignorés pas que presque tous les incrédules de nôtre siècle se glorifient de vous avoir pour Leur chef, et d'avoir puisé dans Vos écrits les principes de leur irréligion. C'est donc au monde entier et à vous même, et non pas à quelques particuliers que vous devés Vous en prendre de ce que l'on vous impute. Si ce sont des calomnies, ainsi que vous le prétendés, il faut vous en justifier, et détromper ce même public qui en est imbu. Il n'est pas difficile à qui est Véritablement Chrétien d'esprit et de cœur de faire connoître qu'il l'est. Il ne se croit pas permis d'en démentir la qualité dans Les amusemens que vous appellés Bagatelles littéraires. Il montre sa foi par ses œuvres, il produit ses sentimens soit dans ses écrits, soit dans sa conduite d'une façon qui rend à la religion L'hommage qui lui est dû. Il ne se flatte pas d'en avoir rempli Les devoirs pour avoir fait une fois ou deux chanque année dans L'église de sa paroisse ni même pour avoir fait dans une longue suite d'années une ou deux communions dont le public a été plus scandalisé qu'édifié.

Je vous laisse après cela, Mr, à juger de ce que vous auriés à faire. Des occupations pressantes ne me permettent pas d'en dire d'avantage et probablement je n'aurai rien à vous dire de plus, jusqu'à ce qu'un Retour de vôtre part tel que je souhaite, me mettent à même de vous convaincre de la droiture de mes intentions et de la sincérité du désir de Vôtre salut qui sera toujours inséparable du respect avec lequel j'ai L'honneur d'être . . . ..