1763-12-15, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Le Rond d'Alembert.

Mon très aimable philosophe, c'est pour vous dire que l'ouvrage du saint prêtre sur la Tolérance aiant été très toléré des ministres et des personnes plus que ministres, et aiant même été jugé fort édifiant, quoi qu'il y ait peut être quelques endroits dont les faibles pouraient se scandaliser, il a semblé bon au st Esprit et à nous, mon cher frère, de vous suplier de donner une sacade, et un coup d'éperon, au cheval qui a rué contre la tolérance, et qui l'a empéchée d'entrer en France par Lyon.
Figurez vous que ce balot est actuellement sur l'avare mer, exposé à être pris par les Numides, avec qui nous sommes en guerre. Si vôtre ami mr Bourgelat avait un mords de vôtre façon, son allure deviendrait plus aisée. Les frères Cramer feraient au plus vîte une nouvelle édition qu'ils enverraient en la cité de Lyon en guise d'un balot de soye, et les fidèles jouiraient bientôt de l'œuvre honnête dont ils sont privés. Dieu sçait quand vous recevrez vôtre éxemplaire.

Je vous demande grâce de m'envoier copie de la Lettre dont vous avez honoré Jean George. Vous savez qu'on a imprimé un éxamen de nôtre ste religion, attribué à st Evremon et qui est de Dumarsay; je ne l'ai point vu, mais comme je sçais que Dumarsai était un très bon chrétien, je souhaitte passionément que cet ouvrage soit entre les mains de tout le monde. Soions toujours tendrement unis dans la communion des gens de bien, lisons bien la ste Ecriture et Ecr: l'inf: