1763-12-15, de Voltaire [François Marie Arouet] à Gabriel Cramer.

Si nous avions, mon cher ami, pris seulement la précaution de faire tenir une tolérance à mr Marin, par Mr D'Argental, vôtre tolérance serait à Paris depuis longtemps; et je vois au succez qu'elle a, et à l'approbation des ministres, que si vous en aviez tiré quatre mille éxemplaires, vous n'en auriez pas tiré assez.
Cet ouvrage n'est point d'ailleurs, un oiseau de passage, il parait être de toutes les saisons. J'ai écrit à mr D'Alembert de donner quelques coups d'éperon au cheval qui a rué contre vous à Lyon. Je pense en ce cas, que vous ne feriez pas mal d'en tirer sur le champ mille exemplaires, que vous enverriez par Lyon tout droit à Paris. Vous pouriez emploier un plus petit caractère, tel que celui de la Lettre du Quakre. Il y aurait de plus quelques corrections à faire, ce qui ne serait pas indifférent pour le débit. Le saint prêtre qui a fait cet ouvrage, ne songe qu'à vous être utile. Mandez moi vos résolutions, afin que je me mette au travail. J'espère avoir aujourd'hui les douze éxemplaires que j'ai demandés; je ne les envoie qu'à des personnes sûres qui ne les laisseront pas parvenir à des libraires, et il est bon qu'on en fasse tenir à des gens acrédités, qui étant dans le secrêt seront intéressées à prévenir le public si favorablement, que les méchants n'osent lever la tête.

Si vous avez encor quelques quakres, je vous prie de les ajouter à vôtre paquet. Madame vôtre femme s'est engagée à nous obtenir par mylord Monsstuart, la souscription de Mylord Bute. Vous devez avoir celle de Mylord Holdernesse. Toute nôtre famille fait mille tendres amitiés à la vôtre.