20e auguste 1769
J'ai été si malade, Monsieur, que j'ai été obligé de me priver du plaisir de répondre à vôtre obligeante Lettre du 8e auguste.
Vous faittes réellement une très belle action de protéger la mémoire de ce Desmahis qui nous a été enlevé dans la fleur de son âge. Il avait de bons sentiments. Je regarde ses Guêbres comme le testament d'un apôtre de la Tolérance. Je ne doute pas qu'un jour cette pièce qui m'a paru très édifiante ne soit représentée à Paris, puisqu'elle l'est déjà en province. Je crois qu'il faut attendre un tems favorable, et surtout le retour de Lekain. L'ombre de Desmahis vous sera très obligée si alors vous voulez bien dire à Mr De Sartine combien cette pièce vous parait raisonnable. Il ne sera pas mal aussi de faire répandre chez les Comédiens que la Tolérance ne leur fera pas de mal.
On tâchera de vous envoier sous l'envelope de mr De ste Foi des choses dans le goût que vous les demandez. Ce goût là est fort à la mode aujourd'hui, de Petersbourg jusqu'à Madrid.
Je ne pouvais deviner que vous eussiez quitté le palais roial. Si c'est par raison d'économie je vous en fais mon compliment, car vous voilà père de famille, ou du moins en passe de l'être.
Permettez moi de glisser dans ce paquet un petit mot pour Monsieur vôtre beaupère, et de présenter mes respects à Madame la marquise De Chimene.