12e fév. 1773 , à Ferney
Je vous envoie, mon cher Baron, le billet que vous me demandez.
Vous devez actuellement, vous et Mr D’Argental, connaître celui qui m’a joué ce tour cruel, et que j’ai deviné dès le premier moment. Celà doit vous dégoûter de Messieurs de la Comédie. Le comédien qui se plaint de Valade se plaint sans doute de ce que ce Libraire a mis trop tôt en vente l’indigne ouvrage qu’il lui avait vendu. En un mot, cette infamie est démontrée.
J’écris à M: le Mal de Richelieu, et je le suplie d’empêcher les Comédiens de jouer une pièce si horriblement défigurée. Valade a menti impudemment à Mr De Sartine. Il n’y a dans tout le païs autour de Genêve d’autre éxemplaire des loix de Minos, actuellement, que celui que Grasset, libraire, habitué à Lausanne, a fait venir de Paris, et que Grasset lui même m’a envoié. J’ai cette infâme édition entre les mains. Grasset même voulant l’imprimer y a mis des pages blanches pour y faire les corrections nécessaires. Il est bien étrange qu’on n’ait pas fait saisir à Paris l’édition de Valade sur laquelle il n’a nul droit.
L’état où je suis ne me permet pas d’en dire d’avantage sur cette malheureuse affaire. Je ne veux pas croire qu’elle ait contribué à augmenter mon mal.
Je suis très fâché de toutes les peines que cette perfidie vous a causées, et j’oublie mon chagrin pour ne m’occuper que du vôtre.
V.