1773-02-01, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Le Rond d'Alembert.

Vous savez, mon cher Bertrand, la déconvenue arrivée à Raton.
Un fripon du tripot de la Comédie française, a vendu à un fripon de la Librairie nommé Valade, une partie des loix et constitutions de Minos, et y a joint une autre partie de la façon de quelque bonne âme sa complice. On débite cette rapsodie hardiment sous mon nom. Ainsi on vole les Comédiens, et on me rend ridicule. C’est assurément le plus petit malheur qui puisse arriver. Cependant, je vous prie de dire à vos amis que je ne suis pas tout à fait aussi impertinent que Valade le prétend. Il n’y aura que Freron qui gagnera à tout celà. Il vendra cinq ou six cent de ses feuilles de plus. J’ai demandé justice à Mr De Sartine contre ce brigandage; mais je n’ai pas l’honneur de le connaître, et l’on fait toujours mal ses affaires de cent trente lieues loin; mais je compte sur la justice que vous et vos amis me rendront.

La littérature est devenue un bois de voleurs; cela est digne du siècle. Soutenez ce malheureux siècle tant que vous pourez, et aimez moi.

Raton