1772-08-25, de Voltaire [François Marie Arouet] à Anne Madeleine Louise de La Tour Du Pin, baronne d'Argental.

Ce n’était pas madame quand je n’avais plus l’honneur de vous tenir à Ferney que mes jours devaient être filés d’or et de soye.
J’ai reçu ces petits échantillons de soye blanche, façonnées en blondes que vous avez eue la bonté de nous envoyer. Nos ouvrières de Ferney vont travailler sur ces modèles. J’aurai bientôt l’honneur de vous envoier un essai d’une autre manufacture; car je suis aussi sûr de votre secret que de vos bontez.

Vraiment je remercierai Monsieur le duc de Duras, mais je dois commencer par vous. Oserai-je en vous présentant mes remerciements vous faire encor une prière? Ce serait madame de vouloir bien, quand vous verrez Monsieur Dogni, lui parler de la reconnaissance extrême que j’ay de touttes les facilités qu’il a acordées à ma colonie jusqu’à présent. Ma sensibilité et surtout un petit mot de votre bouche l’engageront peutêtre à me continuer des faveurs qui me sont bien nécessaires. Si elles cessaient mes fabriques tomberaient, mes maisons que j’ay augmentées deviendraient inutiles, les fabriquants ne pouraient me rien rembourser des avances énormes que je leur ai faites sans aucun intérest: je me verrais ruiné. Voilà deux hommes à Ferney dont vous daignez soutenir la cause dans des genres différents, Racle et moy.

Le vieux malade est trop vieux pour venir vous faire sa cour à Paris. Il faut savoir aimer la retraitte, mais madame il vous sera attaché jusqu’au dernier moment de sa vie avec le plus tendre respect.

V.