1768-02-16, de Voltaire [François Marie Arouet] à Prince Aleksandr Romanovich Vorontsov.

Monsieur, mon ami Bourdillon est tout honteux de s'être trompé sur l'évêque de Cracovie.
Il devait bien penser que cet homme se dédirait et jouerait quelque mauvais tour à la raison humaine, puisqu'il est prêtre. Ce vieux bonhomme de Bourdillon est même tout étonné que vous n'ayez pas eu la bonté de réparer sa faute en faisant mettre en marge quelque petite note honnête sur la perfidie épiscopale. Il dit que mr le prince Repnin a très bien fait et qu'il l'en remercie de tout son cœur.

On dit que le pape veut faire une procession pieds nus pour implorer la vengeance divine contre une certaine impératrice qui remet la nature humaine dans ses droits en établissant la liberté de conscience. Je conseille au st père d'attendre les grandes chaleurs pour faire cette procession. Rien n'est si malsain pour un vieux Vénitien que de marcher pieds nus pendant l'hiver.

Je vous envoie, Monsieur, un sermon prêché à Bâle, que peut être vous ne connaissez pas encore. Il pourra bien être brûlé à Rome, mais je ne crois pas qu'il le soit à Moscou. Si on prêche encore quelques sermons dans ce goût là, j'aurai l'honneur de vous en faire part, car je sais combien vous aimez la parole de dieu.

J'ai l'honneur d'être, avec le plus tendre respect, monsieur, de votre excellence le très humble et très obéissant serviteur.

V.