à Monrion 29 février [1756]
Je reçois mon ancien ami votre lettre du 21.
Vous devez avoir àprésent par made de Fontaine le sermon que prêche le père Liébaut, tel que je l'ay fait, et qui est fort différent de celui qu'on débite. Vous êtes mon plus ancien paroissien et c'est pour vous que la parole de vie est faitte. Je n'ay guères àprésent le loisir de penser à made Jeanne, et je suis trop malade pour rire. Le tableau des sottises du genre humain depuis Charlemagne jusqu'à nos jours est ce qui m'occupe, et je trempe mon pinceau dans la palette du Caravage quand je suis mélancolique. Je ne sçai s'il y a dans ce tablau baucoup de traits plus honteux pour l'humanité que de voir deux nations éclairées se couper la gorge en Europe pour quelques arpens de glace et de neige dans l'Amerique. Je vous prie mon ancien ami de m'instruire de la demeure de ce petit Patu qui est si aimable. Il m'a écrit une très jolie lettre. Je ne sçais où luy adresser ma réponse. Dites moy où il demeure. Je vous embrasse bien tendrement.
V.