[c. 20 December 1755]
Profanateurs indignes de mémoire,
Vous qui de Jeanne avez souillé la gloire,
Vils écrivains qui du mensonge épris
Falsifiez les plus sages écrits;
Vous prétendez que ma noble héroïne
Pour son baudet sentit son coeur émû
Vous insultez son sexe et sa vertu;
D'écrits suspects compilateurs infâmes
Sachez qu'on doit plus de respect aux Dames;
Ne dites point que Jeanne a succombé,
Dans cette erreur nul savant n'est tombé,
Nul n'avança des faussetés pareilles,
Vous confondez et les faits et les temps;
Vous corrompez les plus rares merveilles,
Respectez l'âne et ses faits éclatants,
Vous n'avez pas ses fortunés talents,
Et vous avez de plus Longues oreilles.
Si la pucelle en cette occasion
Vit d'un regard de satisfaction
Les feux nouveaux qu'inspirait sa personne
C'est vanité qu'à son sexe on pardonne.
C'est amour propre et non pas L'autre amour.
Pour achever de mettre en tout son jour,
De Jeanne d'Arc Le Lustre internissable,
Pour vous prouver qu'aux malices du Diable
Aux fiers transports de cet âne éloquent
Son noble cœur était inébranlable,
Sachez que Jeanne avait un autre amant.
C'était Dunois, comme aucun ne L'ignore
C'est le Bâtard que son grand cœur adore.
On peut d'un âne écouter les discours,
On peut sentir un vain désir de plaire,
Cette passade innocente et Légère
Ne trahit point de fidèles amours.
Cecy mon ancien ami est le commencement du seizième sermon. Les bonnes âmes verront par là combien le sage auteur qui composa autrefois cette œuvre mirifique était éloigné de rendre un âne vainqueur d'une héroïne.
J'ay fait un sermon plus grave sur Lisbonne, mais comment l'envoier? Je suis actuellement à Monrion pour mon hiver à l'autre bout du lac. C'est une maison fort commode, mais je crains de n'y pas trouver la solitude que je cherchais. J'ay quitté mon médecin et cependant je ne m'en porte pas mieux.
Si vous avez quelques ordres à donner à votre ancien ami écrivez toujours à Geneve, on me renvoye touttes mes lettres. Je vous embrasse
V.