1755-09-12, de Voltaire [François Marie Arouet] à Louisa Dorothea von Meiningen, duchess of Saxe-Gotha.

Madame

Ce n'est pas Jeanne que je mets cette fois cy à vos pieds, c'est cet orphelin de la Chine. Votre approbation m'a donné la hardiesse de le faire jouer à Paris, et puisque ces magots chinois ont trouvé grâce devant vos yeux, il fallait bien qu'ils réussissent en France. Les français qui ont du goust madame, sont faits pour penser comme votre altesse sérénissime. J'ignore si elle a reçu la lettre que j'eus l'honneur de luy écrire il y a plus d'un mois en faveur de Jeanne. Je luy demandais ses ordres. Je luy disais dans ma lettre que j'avais donné à cette grosse et singulière héroine un habit décent pour qu'elle pût faire la révérence à la petite fille des héros, à celle qui est l'honneur de son sexe.

Je suis toujours madame dans cette maison que Monseigneur le prince votre fils a honorée de son séjour. Plus je l'embellis plus je regrette de n'être pas à vos pieds. Il n'y a rien à mes yeux de beau que votre cour. Je n'aurais jamais deu la quitter. Daignez madame me conserver des bontez si chères et si consolantes. Puissiez vous jouir aussi longtemps que je le désire vous et toutte votre famille et la grande maitresse des cœurs d'un bonheur que vous méritez si bien.

Je renouvelle à votre altesse sérée mon inviolable attachement et mon très profond respect.

V.