1759-08-01, de Voltaire [François Marie Arouet] à Frederick II, king of Prussia.
Vous n'êtes pas ce fils d'un insensé
Huilé dans Reims, et par l'Anglais pressé,
Que son Agnes si fidèle et si sage
Aima toujours, ayant tant caressé
Tantôt un moine et tantôt un beau page;
A Jeanne Darc vous n'avez point recours,
Son pucelage et son baudet profane
Et saint Denis sont de faibles secours.
Le vray Denis, le héros de nos jours,
Je le connais, et je sçais quel est l'âne.
Pour la pucelle, en vérité
Il faut que vous alliez dans Vienne
Au tribunal de chasteté.
Allez, que rien ne vous retienne
Et retournez à Sans Souci
Quand dans vos courses éternelles
Vous aurez vu chez l'ennemi
Et des héros et des pucelles.

Vos vers sont charmants et si votre majesté a battu ses ennemis ils sont encor meilleurs. Mais pour votre Akakia papal je le trouve très adroit. Il est fait de façon que les trois quarts des protestans le croiront véritable. Il y a là de quoy faire rire les gens qui ont le nez fin, et de quoy animer les sots de bonne foy de la confession in, met, uber.

J'attends quelques pièces édifiantes qu'un sage de mes amis doit m'envoyer d'orient. Je les feray parvenir à votre majesté; mais j'ay peur qu'elle ne soit pas de loisir cette fin de campagne, et qu'elle soit si occupée à donner sur les oreilles aux abares, bulgares, Roxelans, scites et massagettes qu'elle n'ait pas de temps à donner à la philosophie et à la destruction de l'infâme. Je prendrai la liberté [de] recommander en mourant cette infâme à sa majesté par mon testament. Elle est plus son ennemie qu'elle ne croit. Sa pucelle et son fanatique sont quelque chose, mais cette pucelle et ce fanatique ne réformeront pas l'occident et Federic était fait pour l'éclairer. J'auray l'honneur de luy en parler plus au long.