à Ferney 16 9bre 1770
Madame,
Je voudrais amuser notre bienfaitrice philosophe et je crains fort de faire tout le contraire.
L’auteur de cette épître au roi de la Chine dit qu’il est accoutumé à ennuyer les rois; cela peut être je l’en crois sur sa parole, mais il ne faut pas pour cela ennuyer mad. la philosophe grand maman, qui a plus d’esprit que tous les monarques d’orient; car pour ceux d’occident je n’en parle pas.
Si malgré mes remontrances sa majesté chinoise veut venir à Paris, je lui conseillerai madame, de se faire de vos amis et de tâcher de souper avec vous. Je n’en dirai pas autant à Moustapha. Franchement il ne m’en paraît pas digne, je le crois d’ailleurs très incivil avec les dames, et je ne pense pas que ses eunuques lui aient appris à vivre.
Si par un hasard que je ne prévois pas, cette épître au roi de la Chine trouvait un moment grâce devant vos yeux, je vous dirais, envoyez en copie pour amuser votre petite fille, supposé qu’elle soit amusable et qu’elle ne soit pas dans ses moments de dégoût:
Puissé-je au moins madame prendre toujours bien mon temps en vous présentant le profond respect, la reconnaissance et l’attachement du vieil ermite de Ferney