1767-11-28, de Juliana Franziska von Buchwald à Voltaire [François Marie Arouet].

Monsieur

Votre âme aussi sensible que sublime Conoit et sent plus vivement que nul autre toute L'étendüe de mes mortelles douleurs.
Vous parlés mieux à mon Coeur par Les précieuses Larmes et Les régrets dont vous honorés La mémoire de ma souveraine adorée, que ne Le pourroient faire tous Les secours de La philosophie si souvant Combattus et si souvant détruits par un seul sentiment plus fort que mille raisons: je n'ose former des voeux, tous Ceux de mon Coeur onts étés anéantis, mais je ne saurois m'empêcher Cependant de désirer Monsieur et même de désirer avec ardeur, La Conservation d'une éxcistence aussi Belle, aussi nécessaire que La vôtre. Vivés, pour L'honeur de L'humanité, pour La satisfaction de Ceux qui sont dignes de Conoitre votre prix, et pour La Consolation des Coeurs qui vous chérissent. Vous avés fait épprouver au plus infortuné de ces derniers Le charme tout puissant d'intérêsser Le vôtre. L'inconsolable Epoux de notre chère et imortelle duchesse ainsi que sa famille désolée me chargent Monsieur de vous faire Conoitre Leur vive reconoissance et Les sentimens d'admiration et d'amitié qu'ils partageronts toute Leur vie avec Ceux que vous avoit voués pour toute La sienne, L'épouse adorée, de L'un, et L'illustre et tendre mère des autres. Tous vous Conjuret de Leur Continuer vos bontés: pour moi Monsieur vous m'avés Convaincüe que La mesure du malheur des mortels qui vous sonts Connus devient Celle de L'intérêt et de La généreuse pitié qu'ils vous inspirent. Que ne puis-je aussi vous Convaincre de toute La sensibilité dont je suis pénétrée et de L'atachement inaltérable avec Lequel j'ai L'honeur d'être

Monsieur

Votre très humble et très obéïssante servante

de Buchwald Née de Neuw.

P. S. Que je voudrois encor vous dire de choses! que n'en ai-je La force? Sa Constance, sa fermeté, La paix qui régnoit dans son Coeur vertueux, augmentent Le degré de désolation déjà si généralle et si grande. Non jamais souveraine n'a été pleurée de tous Les Etats de sa Cour et de son païs autant, ni aussi véritablement. Les larmes offusquent mes foibles yeux et mon Coeur ne sait que sentir et mourir.