1765-02-06, de Jean François de Murat à Voltaire [François Marie Arouet].

Monsieur,

Come vos rares talens et vos sublimes vertus vous mettent au dessus de tout éloge et que tua fama per universum orbem vagatur, je ressens icy ma faiblesse et ne puis qu'admirer tant de mérites plus qu'humains. J'ay l'honeur monsieur de vous être allié spirituelement depuis le 19 du mois de janvier 1759 et à madame Denis qui m'avés fait l'honeur d'être parrain et marraine à Geneve d'un enfant que j'ay eut, et dont la figure et les petittes conaissances dévelopent déjà un heureux caractère fait pour le bien! Que ne suis je en mesure d'avoir l'honeur de vous le présenter! Mes malheurs avec les Fribourgeois chés qui j'ay resté cinq ans, m'ayant réduit aux abois ne me Laissent aucun secours pour la routte, et me mettent dans l'impuissance de nourrir et élever cet aimable enfent, n'ayant pas même du pain pour moy depuis environ deux mois q'un scélérat de domestique, m'a enlevé tout ce qui me restait en argeant, et en bestiaux, qui était très considérables, et s'est engagé avec un capitaine de Fribourg du régiment de Valdner qui m'ayant promis de me le renvoyer sur mes plaintes le jeudi l'a fait partir le samedi sans me le représenter com'il s'était engagé; me voilà donc sans resçource inter Sauromatas et Gettos! Ne dégnairiés vous pas monsieur m'accorder quelque secours, et à votre aimable filleul? Si vous le voyés vous seriés touché et vous ne pourriés luy refuser quelque aumône: per illam deuteram te oro quam vidua Calas tam misericorditer provenisti! Quelque Etincelle s'il vous plait monsieur de la faveur que vous luy offriés et que tout l'univers a admirée. Si vous souhaités une attestation de mes malheurs je vous l'offre bien autentique: rendés vous, je vous supplie à deux genoux, à l'humble prière qu'a l'honeur de vous faire un enfant à la mendicité et à celle d'un ancien officier français réduit à la dernière désolation. Le Ciel bénira vos largesses et vous Comblera de nouveaux biens, vous accordant une heureuse prospérité et sanité. Nous ne cessurons de redoubler nos vœux au tout puissant pour cet effet et pour Longues années.

J'ay l'honeur d'être avec un proffond Respect

Monsieur
Votre très humble et très obéissant serviteur
Murat Baron de Bardouly
officier