à Riquevier le 24 février 1756
Messieurs,
Je me verrai obligé de payer pour le 30e du Mois de Mars prochain à M. de Voltaire 14062lt 10s, faisant le montant de la moitié de sa Rente.
Je suis embarassé pour trouver cette somme. La modicité du prix des Grains m'a forcé de tenir jusqu'à présent les greniers fermés dans la persuasion où j'étois que les choses changeroient. J'aurois fort souhaité de me défaire d'une partie des Vins, mais personne n'en veut, et quant à la Recette en argent, elle est si peu considérable qu'elle fournit à peine aux besoins journalliers. Il ne me reste donc dans ces Circonstances d'autre parti à prendre, que de Vendre en bloc une partie des Grains au prix courant ou de payer une couple de Mois l'Intèrêt de la somme cy dessus.
Si j'ose dire mon sentiment. J'estime que ce dernier parti doit être préféré au premier. En effet il me faut passé deux mille sacs de grains pour parfaire la somme dont j'ai besoin; Je supose que d'ici à la St George je ne puisse pas en augmenter le prix, dans ce cas la seigrie en sera quitte pour un petit déchet et environ 200lt d'Intérêts. Par contre si le prix des grains augmente de 10s seulement par sac, com'il y a tout lieu de l'espérer et même d'avantage, Je profiterai d'environ mille livres, some qui vaut bien la peine de risquer quelque petite chose. Je remets cependant le tout à Votre haute disposition….
J'ai l'honeur d'être avec un très profond respect
Messieurs
Votre très humble et très obéissant serviteur
Jeanmaire