14 avril 1756
Je reçûs la semaine passée une Lettre de Mr de Voltaire, par laquelle il me sollicite vivement au payement de la moitié de sa Rente échuë le 30 de Mars dernier.
J'ai en conséquence écrit à Mr Treitlinger pour qu'il engage M. Turckheim à faire l'avance de cette somme, laquelle je me faisois fort de lui rembourser pour le mois de Juillet prochain. Comme je doute fort qu'il veuille se charger de ce payement sur ma parole, je crois qu'il seroit à-propos de faire parvenir à M. Treitlinger un Décret à ce sujet. Il s'agit à-présent de trouver les moyens de rendre à Tems cette some. J'avouë que je n'en suis pas peu embarrassé. Il est vrai que j'ai actuellement dans les magazins une grande abondance de Denrées, mais coment m'en défaire, à moins de les donner à vil prix? J'ai comencé à Colmar la Vente des grains en détail. Outre le peu de débit qu'il y a, les gens ne veulent acheter nos grains qu'à 5 ou 6s le sac meilleur marché que ceux des Paysans, sous prétexte que ce sont des grains de Disme, quoiqu'ils soient aussi beaux ou peu s'en faut que les autres. J'en ai vendu environ 60 sacs, et j'ai tiré du seigle 5lt 15 à 17s et de l'orge 3lt 10s à 15s. Voilà donc un foible secours. Quant aux Vins, il n'y a absolument aucun débouché. Un suisse étant entré l'autre jour dans la Cave seigneuriale, je lui fis goûter les vins de 1752 mais sans m'en demander le prix, il eut l'effronterie de me dire que l'eau de son Pays étoit meilleur que mon Vin et s'en alla. J'ai écrit à Strasbourg pour y trouver des marchands et si, lorsque les Chemins seront plus praticables, il n'y en vient point, je doute fort que ce même Vin de 1752 puisse encore soutenir les Chaleurs d'un Eté. Je ne puis par conséquent faire aucun fond sur cette marchandise….