1756-10-26, de François Louis Jeanmaire à Conseil de régence de Montbéliard.

Nosseigneurs

J'ai l'honeur de Vous informer très humblement que j'ai achevé de Vendre les Grains de la seigrie de même que les Vins de 1752 et 1754.
Cette Vente m'a produit une some d'environ Dix mille Livres. J'en ai prévenû Mr de Voltaire en lui demandant s'il vouloit recevoir cette Some à compte de sa Rente échue le 30 sept. dernier, ou s'il vouloit attendre que je sois en état de lui faire le payement en entier pour la fin de l'anée. Come je ne recevois point de réponse et que d'ailleurs M. Turckheim Banquier à Strasbourg ayant déjà fait passer de l'argent à Geneve me pressoit infiniment de le lui rembourser, Je [me] suis transporté pour cet effet à Strasbourg et j'ai remis à ce derrnier contre sa quitance une some de 9600lt à compte des remises faites et à faire à Mr de Voltaire.

Par la Copie de la Lettre de ce dernier cy joïnte Il Vous plaira Nosseigneurs, de Voir sa façon de penser sur la Rente qui lui est duë, Il compte sur une some de 12250lt . Mais je me vois hors d'état de la lui fournir pour le présent. La remise que je lui ai déjà faite, a même tellement épuisé ma Caisse, que je ne sai de quel côté tourner pour subvenir aux frais du renouvellement, de la Vendange et aux Gages échûs à la St Martin prochaine.

Je ne vois point d'autre moyen pour me tirer de l'embaras où je me trouve que de Vendre une certaine quantité de Vin de 1753 et 1755. J'avoué que cette Vente pouroit être prématurée à cause des Circonstances actuelles qui feront peut être augmenter les Vins, Mais la nécessité n'a point de loy, et je pense que l'on ne peut guères risquer en se défaisant actuellement d'environ de 300 M. du vin des deux années. Les Vins d'ailleurs sont à un prix raisonable. Tels que je ne pouvois vendre il y a six semaines à 4lt 10s valent aujourd'hui 6lt pour ceux de 1753 et quant à ceux de 1755 ils ont aussi augmenté à proportion, de manière que la quantité énoncée cy dessus me produirait environ 1500lt some qui m'est absolument nécessaire et laquelle j'aurois en Caisse, sans l'événement imprévu dont l'objet fait la matière d'une autre de mes très humbles remontrances.

Dans ces Circonstances, j'ose Vous suplier Nosseigneurs, de m'instruire de la réponse à faire à Mr de Voltaire, et si Vous agréés que je Vende des Vins pour satisfaire aux payemens courans de ma Recette.

J'ai l'honeur d'être avec un très profons Respect

Nosseigneurs

Votre très humble et très obéissant serviteur

Jeanmaire