1763-03-23, de Claire Josèphe Hippolyte Léris de Latude à Voltaire [François Marie Arouet].

Vous ignorés Monsieur tout ce que je vous dois, vos ouvrages sans cesse dans mes mains m'ont souvent aidés par leurs charmes et leur vérité à suporter ma douloureuse exsistance; vous et Corneille êtes mes dieux, jugés combien votre offre m'est agréable; jugés du plaisir que j'éprouverois en allant vous rendre mes hommages.
Je vous entendrois tous les jours, je pourois témoigner ma reconnoissence à Mr Tronchin, à qui je suis sûre que je vais devoir la vie; j'aurois pour compagnes votre nièce et celle de Corneille. Il me paroit impossible que rien m'arette.

Je vous avoue même q'un peu d'ambition m'ordonne de vous aller voir; je n'ai garde de penser que j'aie embelie vos rolles, je ne le crois pas possible, mais je me flate d'avoir entendu tout ce que vous avés voulu dire. Envain tout Paris m'aplaudit, votre sufrage menque à ma gloire, j'ai la vanité de croire que je l'obtiendrai; si je me trompe, je suis sûre aumoins de vous prouver que personne ne l'a désiré plus que moi.

J'ai l'honeur d'être Monsieur votre très humble et très obeïssante servante

Clairon