1762-08-17, de Caroline Louise von Hessen-Darmstadt, margravine of Baden-Durlach à Voltaire [François Marie Arouet].

Monsieur,

Votre souvenir Monsieur est la chose du monde qui me flate le plus, vous pouvés ainsi juger avec quelle joye et reconoissance je reçois les marques que vous voulés bien m'en doner.
Le Mémoire que vous m'envoyés Monsieur ne seroit pas sorti de votre plûme s'il ne touchoit et n'intérressoit autant qu'il le fait. Ces infortunés sont heureux dans leur malheur, que vous vouliés bien prendre leur deffênse. Persone n'est mieux en Etat que vous Monsieur de faire percer la véritée, au travers des voiles dont la Cabale et l'authoritée cherchera à la couvrir: Il est bien löuable à vous Monsieur de doner sujêt à votre coeur, de parler égalemênt que votre génie, l'un et l'autre est si parfait, que non seulemênt nous, mais la postéritée la plus reculée, ne cessera de vous chérir et admirer.

Conservés moi votre amitié je vous en conjure Monsieur, j'ose y prétendre par l'Estime très distinguée avec laquelle j'ai l'honeur d'être toutte ma vie

Monsieur

Vôtre très affectionée servante

La Margrave de Bade D.