à Gothe 9 sep: 1755
Vos lettres Monsieur me causent toujour un plaisir sensible: celle qui a produit en dernier lieu, ce sentiment agréable en mon Ame, est resté longtems en chemin, mais elle ne s'est laissée attendre que pour redoubler ma joye et ma reconoissance; Vous ne sauriés imaginer combien je suis charmée et empressée à recevoir l'aimable Jeane: il n'y a que Vos lettres Monsieur que je lui égalle et Votre présence qui puisse me procurer plus de satisfaction; il est toujour flateur pour notre amour propre de n'avoir point à rougir pour ce que l'on aime et je suis persuadée que telle que Vous voulés me l'envoyer elle ne sera que plus touchante à mes yeux; j'étois très tentée de faire venir de Paris sa copie, mais depuis qu'il Vous a plut me l'anoncer je me suis ravisée de ma première idée; la Grande Maitresse des coeurs qui Vous chérit et Vous honore toujour avec la même vivacité se fait un sensible plaisir de revoir l'objet de ses tendres amours, elle acueillera Jeane au mieu mais moi Monsieur je ne la laisserai guère sortir d'entre mes mains, je la logerai dans ma chambre et je m'en ocuperai sans cesse: puisse t'elle arriver bientôt; voici Monsieur son passe port, je le joins ici pour plus de sûreté et pour accélérer son départ; j'ai lus ces jours ci Le Triumvirat de Grebillon que je trouve bien au desous de sa réputation, il y a bien peu de choses qui gagnent à être examinés de près: le sort de Vos enffants est bien différent: ont trouve toujour un plaisir nouveau en relisant vos oeuvres: je viens tout réçament d'en faire l'expérience; que ne puis je Vous revoir? c'est le désir permanent de mon cœur: le sentiment de mon amitié pour Vous ne l'est pas moins, recevés en Monsieur l'assurence avec bonté, conservés moi la Vôtre en faveur de ce que je suis
Monsieur
Votre très affectionée amie
Louise D. de Gothe