1758-08-17, de Caroline Louise von Hessen-Darmstadt, margravine of Baden-Durlach à Voltaire [François Marie Arouet].

Monsieur,

Je viens de recevoir Monsieur la lettre très obligeante que vous venés de m'écrire.
Si j'avois pû vous prouver dans toutte son étendüe combien je vous considère, j'oserois alors me flater Monsieur de mériter votre Estime: La reconoissance que vous me devriés, me tiendroit lieu de mérite, et à quelque prix que je me visse assurrée de votre amitié, cela me suffiroit toujours pour me rendre trop heureuse.

Votre Pastel est en ouvrage, jamais je n'ai travaillé avec plus de plaisir; je m'abandone à l'idée charmante, que cela vous empêchera d'oublier une persone qui vous est toutte aquise; c'est peut-être une illusion; mais ne me l'ôtés point Monsieur, j'en suis trop charmée. J'ai rendû compte au Margrave de la justice que vous rendés à nôs sentimêns pour vous Monsieur, et des politesses que vous me dites à ce sujêt: Il en est pénétré. J'aurois bien voullû que vous fussiés revenû sur vôs pâs pour conoitre par vous même l'effêt que votre départ faisoit sur nous, il étoit parlant, nôs regrêts exprimoient nôtre admiration et nôtre Estime; Enfin Monsieur vous êtes bien fêté parmi nous, et come vous avés si bien sçu dévelloper le coeur de Zaïre, pourquoi ignoreriés-vous le mien? Permettés que je vous renvoye à cette conoissance, pour vous faire comprêndre Monsieur quêls sont les sentimêns et d'Estime et de considération avec lesquêls j'ai l'honeur d'être toutte ma vie

Monsieur

Votre très affectionée servante

La Margrave de Bade-Dourlach

Je suis extrêmemênt sensible à vôs attentions Monsieur. Vous me parlés de tableaux qui se trouvent à Strasb. Je chercherai à engager le Margr: qu'il les voye, peut-être lui plairont-ils. N'oubliés point Monsieur de revenir chés nous, le Margrave et moi vous en sollicitênt. Vous sçavés bien qu'une Ecolière vous attend.