1766-04-22, de Voltaire [François Marie Arouet] à Georges Auzière.

Le Citoien de …. qui a voulu vous servir et qui vous servira, vous prie instamment, Monsieur que son nom ne soit jamais nommé.
Ayéz la Bonté d'observer qu'il est éssentiel que vôtre requête soit très courte, afin que vous ne paraissiez point vouloir fatiguer les plénipotentiaires qui ne sont déjà que trop las de toutes les minuties dont on les accab[l]e tous les jours.

Remarquez que vous finissez votre requête en disant, que si nôs seigneurs demandent quelques éclaircissemens vous êtes prêts à les donner.

Cela vous prépare les moyens de faire de nouvelles demandes lorsque les Médiateurs auront été contents de la modestie de Vôtre prémiére démarche.

Ce n'est pas sans raison qu'on parle dans vôtre requête de remplir le nombre des quinze cents: quand on poura vous parler on vous expliquera ce mistére. Soiez sûr que cette démarche est essentielle.

Vous vous êtes plains dans vôs mémoires qu'on vous empêche de vendre vôs ouvrages à d'autres qu'aux citoiens mêmes, lorsque vous êtes passés maîtres. Vous insistés beaucoup sur cette plainte.

Si vous pouvez l'addoucir, ne vous servez point du terme de vexation; mettez si vous voulez ces mots, Il est encor bien onéreux à ceux qui sont reçus maîtres de ne pouvoir vendre leurs ouvrages à l'étranger.

Je ne sais pas s'il vous est permis de vendre dans la Ville à d'autres qu'aux bourgeois. C'est à vous à rédiger cet article conformément à vôs droits & à vôs sujets de plaintes, sans vous servir d'aucun terme qui puisse blesser personne. Mais songez que la crainte de déplaire ne doit pas vous empêcher d'exposer respecteusement vôs griefs.

On ne s'est pas astraint dans le projet de requête à donner les titres convenables, c'est à vous à les inserrer dans la piéce. Vous devez en faire trois copies, vous donnerez sans difficulté le titre d'Excellence à Mr L'ambassadeur de France. Je ne sais si on donne ce titre aux plénipotentiaires de Zurich & de Berne. Je ne vois pas que vous deviez faire précéder vôtre requête d'aucun discours préliminaire qui ait raport aux circonstances où se trouvent la République 1. parce que votre requête doit contenir tout ce qui vous regarde, 2. parce que les médiateurs plénipotentiaires sont très bien instruits de l'état de Genève, que vous leur apprendrez rien de nouveau, & qu'il ne faut pas fatiguer vos juges par des inutilités.

La requête dont vous avez le projet à été minutée sur des connaissances particulières que l'on a de la disposition de vos juges. Tenez-vous-en croiez moi, à présenter la substance de cette requête, & aiez la bonté de me renvoier la lettre que je vous écris.

N. B. Vous dites qu'il vous conviendrait d'être muni du dit mémoire en portant la requête. Je ne sais de quel mémoire vous parlez; si c'est de ceux que vous m'avez communiqués & que j'ai encor entre les mains, il faut bien se donner de garde de les présenter, je vous en dirai la raison. Encor une fois ne donnéz que vôtre requête, et soiez tranquilles.