1775-12-06, de Voltaire [François Marie Arouet] à Louis Gaspard Fabry.

Je trouve comme vous, monsieur, la somme de trente mille livres bien forte.
Mais après les efforts infinis que j'ai faits de tous côtés pour la faire modérer, je n'ai pu y parvenir. M. de Trudaine me marque que l'arrêt du conseil est minuté avec une conformité exacte aux propositions signées par nous. Je ne crois pas que nous devions disputer à présent, & je conjure même tous mm. les syndics de recevoir l'arrêt du conseil avec la plus grande reconnaissance. Commençons par être délivrés des vexations cruelles que tout le pays éprouvait, c'est là le point principal; vous pourrez ensuite proposer aux fermiers généraux de vous vendre leur sel au même prix qu'on le vend au Valais. Il n'y a pas d'apparence qu'ils vous refusent, puisque c'est un petit gain qu'ils feront.

Nous pouvons encore, au bout de l'année, représenter à m. le contrôleur général l'impossibilité de trouver trente mille livres pour la ferme. Le ministère n'exige point la taille des villages qui ont été grêlés ou incendiés. Notre pauvreté nous tiendra lieu de feu & de grêle.

Je voudrais vous parler sur tout cela; ne pourriez-vous point venir diner demain chez le vieux malade, avec m. Dupuits que vous prendriez en chemin? Si je n'étais pas dans mon lit, je serais chez vous.

J'ai l'honneur d'être, &c.

Voltaire