1759-09-13, de Louisa Dorothea von Meiningen, duchess of Saxe-Gotha à Voltaire [François Marie Arouet].

C'est toujour avec une satisfaction infinie que je reçois Monsieur les assurences de Votre chère et prétieuse Amitié.
Jugés de là combien je dois avoir soufferte de Votre long silence. Hier j'eus la consolation d'attraper quelques lignes de Votre main en date du 4 d. c. Ma joye fut extrême mais quand j'y lus que Vous m'aviés écrit deux jours auparavent et que cette lettre ne m'a pas été rendue mes inquiétudes recomencèrent aussi bien que mes lamentations: plus je me dis que cette lettre doit être intéressante et plus aussi ma crainte redouble. Mon coeur m'offre par ci par là quelques lueurs d'espérances et allors j'imagine que come Vous me parlés d'un paquet que Vous m'envoyé que peutêtre Vous l'avés fait remettre au chariot de poste qui arrive toujour plus tard que la valise et qu'ainsi le tout n'est pas perdu. Néamoins j'ai crus devoir Vous informer de ces circonstances au cas qu'il Vous importe Monsieur de doner promtement les avis que Vous croyés nécessaire à la Persone que Vous voulés instruire. Je ne doute pas que cette Persone, que je crois avoir devinée par tout ce que Vous m'en faite entendre, ne Vous aura toute l'obligation imaginable pour le service que Vous voulés lui rendre ne fût ce que pour l'intention. La battaille que le Roi de Prusse a perdue le 12 d. p. ne l'a pourtant pas empêché de couvrir sa résidence et d'imposer assés aux Russes pour ne pouvoir pousser plus loin leur progrès: maintenant il les a suvis dans la basse Lusace: ils sont près de Guben et le Roi près de Waldau. Le Comte de Daun est à Moscow et Le Prince Henry à Sorau tous ensemble dans la basse Lusace et fort proche les uns des autres. Voilà du moins come ils étoient postés le 5. Dresden c'est rendue à l'armée de l'empire ce même 5. Mais Witemberg et Torgau est de nouvau entre les mains des Prussiens. Et à ce que l'on assure très positivement une grande partie de cette Armée de l'empire sous les ordres de Mr: de st André a été repoussée et dispersée le 8 d. c. près de Torgau. Votre Socrate mourant est adorable come tout ce qui sort de Votre plûme. La grande Maitresse en pense autant, ses yeux souffrent toujour et son esprit toujour brillant et toujour aimable Vous estime et Vous honore sans cesse: son coeur Vous est attaché come le mien et celui de toute ma famille. Un peu de retour s'il Vous plait nous n'en somes pas tout à fait indigne.

Je r'ouvre ma lettre pour Vous aprendre que dans cet instant même je viens de recevoir Votre charmente lettre du premier d. c. Comptés Monsieur que j'aurai soin de faire parvenir l'incluse à son adresse. Marbourg s'est rendu aux alliées l'onze. Je fais mille voeux pour Vous, pour Vos yeux et pour Votre conservation. Je n'ai pas le tems d'en dire davantage.