1768-02-22, de baroness — von Braittwitz à Voltaire [François Marie Arouet].

Monsieur,

Je ne sçai, Monsieur, si vous vous souvienderez de moi, n'aiant eu l'honneur de vous voire, qu'en passant à la poste, l'année 42, en allant à Saverne voire Monseigneur le cardinal de Rhoan, en compagnie de monsieur le presteur, et madame de Klingling de Strasbourg.
J'étois, pour lors, dans mon plus grand brillant, qui fut, bientôt après, terni par la morte de mon époux le baron de Braittwitz, commandant généralle de l'artillerie des deux royaumes de Naples et de Sicille, de celle de mon père, le baron de Francken, conseiller d'Etat de sa majesté l'Empereur Charles VII et ambassadeur au congrès de Soissons dans son tems, aussi de même à la diette de l'Empir de l'Electeur. J'étois dans le dessein de me rendre à Naples, pour chercher dans l'ouuarie de mon époux ma dotte, resource qui me restoit. Mais mon âge avancé et le douloureuse goutte dont je fust attaqué m'obligeoint de rester dans ce pays éloigné de ma patrie et de mes parents.

J'ai apris avec plaisir que vous jouissiez d'une santé parfaitte; je vous en souhaitte la continuation à l'âge le plus reculé, monsieur. Oserai-je vous demande si la nouvelle qui se débitte soit, en effet, tel que vous promettés une gratiffication de dix mille livres à la personne qui n'a pas été enrhumé? C'est moy-même: les médecins d'icy en sont témoins: ce seroit une action digne de votre grandeur d'âme et un surcroît de votre générositat si conu dans touts les coins du monde, envers la veuve d'un grand généralle qui luy a dépensé tout son bien.

Empressé de votre grasieuse réponce, je vous prie, Monsieur, d'être persuadé de ma plus vive reconoissance, que je n'oublieray jamais vos bienfaits, étant, avec le plus profond respect, monsieur,

Votre-très-humble et très-obéissante servante,

La baronne de Braittwitz, née baronne de Francken