1750-05-24, de Frederick II, king of Prussia à Voltaire [François Marie Arouet].
Pour une brillante beauté
Qui tentoit son désir lubrique,
Jupiter avec dignité
Sut faire l'amant magnifique.
L'or plut, et son pouvoir magique
De cette amante trop pudique
Fléchit l'austère cruauté:
Ah! si dans sa gloire éternele
Ce dieu si galant s'atandrit
Sur les apas d'une mortele
Stupide, sans talans, mais belle,
Qu'auroit-il fait pour votre esprit?
Pour rendre son ciel plus aimable,
Près d'Apolon, près de Bacus
Il vous auroit mis à sa table
Pour moitié vous donnant Vénus.
Son fils enfent plain de malice
Bandant son arc, ryant de plus
Vous auroit blesé par caprisse:
Car dans ce séjour de délices
L'amour n'est jamais de refus.
Hebé vous eût ofert un vere
Rempli du plus exsquis nectar;
Mais vous le conoisez, Voltaire,
Vous en avez bu votre part:
C'étoit le lait de votre mère;
Voilà come le roy des dieux
Vous auroit traité dans les cieux.
Pour moi qui n'ai point l'honeur d'être
L'image de ce dieu puisant,
Je veu dans ce séjour champêtre
Vous en procurer tout autant.
Je veux imiter cete pluye
Que sur Danaé son galant
Répendit très abondamant:
Car de votre puissant génie
Je me suis déclaré l'amant.

Mais comme le sieur Mettra pouroit reprouvér une lettre de change en vers, j'en fais exspediér une en bonne forme par son correspondant qui vaudra mieux que mon bavardage; vous êtes comme Horace, vous aimez à réunir l'utile à l'agréable; pour moy je crois qu'on ne sauroit asséz payér le plaisir et je compte d'avoir fait un très bon marché avec le sieur Metra. Je payerai le marc d'esprit à proporsion que le change hausse. Il en faut dans la sosiété, je l'aime et l'on n'en sauroit trouver davantage que dans la boutique de Metra; je vous avertis que je pars pour la Prusse, que je ne serai de retour ici que le 22 de juin, et que vous me ferai grand plaisir d'être ici vers ce tems, vous y serai resçu comme le Virgile de ce siècle, et le jentilhome ordinaire de Louis 15 sedera, s'il lui plaist, le pas au grand poète. Adieu, les courssiers rapides d'Achile puissent ils vous conduire, le chemeins montueux s'aplanir devant vous, puissent les auberges d'Allemagne se transformer en palais pour vous reservoir, les vents d'Eole puissent ils se renfermér dans les outres d'Ulisse, le pluvieux Orion disparaître, et nos nimfes potagères se changer en déesses, pour que votre voyage, et votre resseption soit digne de l'auteur de la Henriade.

Federic