1749-09-04, de Voltaire [François Marie Arouet] à Marguerite Jeanne de Staal, baronne de Staal.

Madame du Châtelet, madame, m'ordonne de vous mander sa petite aventure.

Elle était à son secrétaire à deux heures après minuit, selon sa louable coutume.
Elle dit, en griffonnant du Newton: Mais je sens quelque chose!Ce quelque chose était une petite fille, qui vint au monde beaucoup plus aisément qu'un problème. On la reçut dans une serviette; on la déposa sur un gros in-4., et on fit coucher la mère pour la forme, et pour la forme aussi elle ne vous écrit point.

Pour moi, madame, qui ai accouché de Catilina, je voudrais bien porter mon enfant à son altesse sérénissime et la supplier d'être la marraine, mais il n'est pas, je crois, digne encore d'être baptisé par elle.

Je pourrai bien, à mon retour, avoir l'honneur de lui montrer non seulement Catilina, mais encore une Electre. Je veux sous ses auspices venger Cicéron et Sophocle.

Mme du Châtelet vous prie, madame, de présenter ses profonds respects à mme la duchesse du Maine. Je vous supplie de me mettre à ses pieds, moi, Cicéron et Clytemnestre; tout cela ne vaudra que quand j'aurai raffiné l'or des anciens dans le creuset de Sceaux ou d'Anet.

Je vous supplie, madame, de recevoir, avec votre indulgence ordinaire, les nouvelles de mes rêveries, et les protestations réelles de mon respectueux attachement.

Voltaire