[c. 21 January 1750]
Ma protectrice,
Quelle est donc votre cruauté de ne vouloir plus que les pièces grecques soient du premier genre?
Auriez vous osé proférer ces blasphèmes du temps de Mr de Malezieu? Quoy, j'ay fait Electre pour plaire à votre altesse sérénissime, j'ay voulu vanger Sophocle et Ciceron en combattant sous vos étendarts, j'ay purgé la scène française d'une platte galanterie dont elle étoit infectée, j'ay forcé le public aux plus grands applaudissements, j'ay subjugué la caballe la plus envenimée, et L'âme du grand Condé qui réside dans votre tête, reste tranquilement chez elle, à jouer au cavagnole et à caresser son chien! et la princesse qui seule doit soutenir les beaux arts, et ranimer le goust de la nation, la princesse qui a daigné jouer Iphigenie en Tauride ne daigne pas honorer de sa présence cet Oreste que j'ay fait pour elle, cet Oreste que je luy dédie! Je vous demande en grâce madame de ne me pas faire l'affront de négliger ainsi mon offrande. Oreste et Ciceron sont vos enfans, protégez les également. Daignez venir lundy. Les comédiens viendront à votre loge et à vos pieds. Votre altesse leur dira un petit mot de Rome sauvée et ce petit mot sera baucoup. Je vais faire transcrire les rôles, mais il faut que madame la duchesse du Maine soit ma protectrice dans Athenes comme dans Rome. Montrez vous, achevez ma victoire. Je suis un de ces grecs qui avoient besoin de la présence de Minerve pour écraser leurs ennemis.
Votre admirateur, votre courtisan, votre idolâtre, votre protégé,
V.
Je vous demande en grâce de ne venir que lundy.