1750-06-20, de Voltaire [François Marie Arouet] à Anne Louise Bénédicte de Bourbon-Condé, duchesse Du Maine.

Ma protectrice,

La scène de Ciceron avec Catilina étoit digne de votre suffrage, quand elle étoit placée au premier acte, avant que Catilina eût pris les dernières résolutions.
Mais quand ces résolutions sont prises, quand l'action est commencée, cette scène renvoyée au second acte ne fait plus le même effet. Ciceron doit soupçonner, avant que le spectateur ait vu Catilina agir. Il est très aisé de remettre les choses en leur lieu. Mais ce ne peut être pour lundy. Ainsi votre altesse aura la bonté, quand elle entendra au second acte ce bavard de Ciceron, de supposer que c'est au premier acte qu'il pérore. Ayez cette indulgence et nous tâcherons de mieux jouer à la représentation qu'à la répétition.

Je débarasse encor ma protectrice du logement des histrions. Je prie seulement l'intrépide et L'exact Gruchet de m'envoyer lundy à une heure précise une gondole et un carosse à quatre, qui amèneront et remèneront sénateurs, conjurez et consul.

Ah ma protectrice je suis bien fâché, mais un jour viendra que Rome sauvée ne sera pas indigne de Ludovise.

Ciceron le bavard