1767-04-24, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Augustin Feriol, comte d'Argental.

Mon divin ange, je ne puis empêcher la foule des éditions qu'on fait de ces pauvres Scithes, et tout ce que je puis faire, c'est de fournir quelques changements pour les rendre plus tolérables.
Je ne doute pas qu'après y avoir réfléchi, vous ne sentiez combien une scène d'Obeide au premier acte serait inutile et froide. Un monologue d'Obeide au commencement du second acte serait encore pis. Il y a sans doute beaucoup plus d'art à déveloper son amour par degré; j'y ai mis toutes les nuances que ma faible palette m'a pu fournir.

Je vous prie de vouloir bien faire corriger deux vers à la fin du 4e acte. J'ôte ces trois cy,

Où suis-je? qu'a t-il dit? où me vois-je réduite?
Dans quel abime affreux hélas t'ai-je conduite?
Vien, je t'expliquerai ce mistère odieux,

et je mets à la place,

OBEIDE

Qu'a t-il dit? que veut-on de cette infortunée?
O mon père! en quels lieux m'avez vous amenée?

SOZAME

Pourai-je t'expliquer ce mistère odieux?
eta

Je vous enverrai incessamment une édition bien complette qui vous épargnera toutes ces importunités dont je vous accable, et dont je vous demande pardon.

Je ne vois pas ce qui empêcherait Le Kain de jouer au mois de may cette pièce, et il me semble que le rôle d'Indatire n'est pas assez violent pour faire mal à la poitrine de Mollé.

Vous m'aviez flatté d'une nouvelle qui vaut bien le succez d'une Tragédie, c'est qu'on allait fermer la boutique de Fréron. Voicy la copie de ma réponse à Mr Coqueley. Je vous soumets prose et vers. Mr De Chabanon arrive au milieu de nos frimats.

Respect et tendresse.

V.