1767-03-16, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jeanne Grâce Bosc Du Bouchet, comtesse d'Argental.

Mes anges et mr De Thibouville, verront cy contre ma réponse à leurs Lettres du 7 et du 9 mars.
Ma réponse est docilité et amandement. Quand je sens la raison, je la suis, quand je peux corriger je corrige. Gardez vous bien de mettre

L'accompagne aux combats et doit venger sa mort

(acte 2d, scène d'Indatire et d'Obeide).

Il ne s'agit point icy de ce que les femmes scithes doivent faire, mais de ce qu'elles savent faire, celà est fort différent. Vôtre, Doit venger sa mort, montrerait la corde, il serait impertinent qu'au 5e acte Obeide dit moi, je dois vous venger! Vous gâteriez tout par ce léger changement.

J'ignore l'état de madame la Dauphine, je n'ai pas voulu qu'on jouât publiquement la pièce chez moi quand les spectacles sont fermés à Paris, je ne la laisserai jouer que quand ils seront rouverts. Je n'ai pas de peine à observer cette bienséance.

On me mande que Molé ne sera pas en état de jouer à Paris. Je ne crois pas qu'il faille donner son rôle au singe de Nicolé. Vous ferez tout comme il vous plaira, mes anges mais que Mlle Durancy justifie la préférence que je lui ai donnée; préférence qui m'attire plus de tracasseries qu'il n'y a de mauvais vers dans les pièces que les Welches aplaudissent. Moquez vous des tracasseries, mes anges, et écrasez le mauvais goût.

Aiez la charité d'envoier à l'ami Le Kain, les corrections cy contre.

Respect et tendresse.

V.

page 14. Otez ces deux vers
Allons chez Obeide, et que cette journée
Soit pour le peuple scithe à jamais fortunée,
et mettez ces deux à place
Cher ami, ce grand jour renouvelle ma vie
Il me fait citoien de ta nôble patrie.
page 19. Otez ce vers,
C'est dans ses derniers ans un apui qu'il faut prendre,
et mettez,
Il ne l'ordonne point, mais je sçais trop l'entendre.

A la fin de la pièce, aulieu des deux derniers vers,

Déplorez avec moi ce fatal sacrifice
Et sans être inhumains cultivons la justice,

mettez ces deux cy,

Nous sommes trop vengés par un tel sacrifice,
Scithes, que la pitié succède à la justice.

page 8. Mais je n'userai point de la loi paternelle.

corrigez

Je ne la gêne point sous la loi paternelle.

NB: Les deux vieillards se lêvent àce vers page 1,

Ce souvenir honteux soulêve encor mon cœur.
page 59. ôtez
Chaque mot qu'il m'a dit a glacé mon ouvrage.

SOZ:

Je conçois ta terreur, et mon cœur la partage,
et mettez à la place
Où suis-je? qu'a t-il dit? où me vois-je réduite?

SOZAME

Dans quel abime affreux hélas! t'ai-je conduite!