1767-03-16, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jacques Lacombe.

Si vous avez bien voulu faire, Monsieur, ce que vous m'avez promis, si vous avez conservé les planches de cette pauvre Tragédie des Scithes, je vous prie de corriger les endroits indiqués dans le petit papier cy joint.

Il sera fort difficile que je reçoive vôtre ballot; rien ne passe de Lyon dans nos déserts de Scithie. L'histoire du cabinet du Roi de Mr De Buffon est encor à la douane depuis un mois sans pouvoir me parvenir. Mon âme et mon corps manquent depuis trois mois des choses les plus nécessaires et c'est moi qui souffre le plus sans contredit de la guerre de Genêve. Ce n'est pas sans raison que je suis amusé à faire la Tragédie des Scithes; mais elle n'était faitte que pour être jouée sur mon théâtre et non pas sur celui de Paris.

Je compte toujours sur vôtre amitié, et je vous réïtère mes prières de donner un petit honoraire de vingt cinq Louis d'or à mr Le Kain, pour toutes les peines qu'il a bien voulu prendre, car quoi que cette pièce ne fut point faitte du tout pour Paris, il faut pourtant témoigner sa reconnaissance à celui qui s'est donné tant de peine pour si peu de chose.

NB: Si vous ne pouvez faire corriger les sottises marquées dans le papier cy joint, je vous prie de faire un errata.

NB: Je suis bien fâché contre vous, de ce que dans vôtre avant-coureur vous imprimez toujours françois par un o. Je vous demande en grâce de distinguer mon bon patron st François d'Assise de mes chers compatriotes. Imprimez, je vous en prie, Anglais et français. Si j'osais, j'irais jusqu'à vous prier de mettre, un a à tous les imparfaits, mais je ne suis pas encor assez sûr de votre amitié pour vous proposer une si grande conspiration.

Corrections à faire sur l'imprimé de la tragédie des Scithes.

V.

page 14, ôtez ces deux vers,

Allons chez Obéide, et que cette journée
Soit pour le peuple scithe à jamais fortunée,
et mettez à la place ces deux cy,
Cher ami, ce grand jour renouvelle ma vie,
Il me fait citoien de ta nôble patrie.

page 19, ôtez ce vers,

C'est dans ses derniers ans un appui qu'il faut prendre,
et mettez
Il ne l'ordonne point, mais je sçais trop l'entendre.

à la fin de la pièce, au lieu des deux derniers vers,

Déplorez avec moi ce fatal sacrifice
Et sans être inhumains cultivons la justice,
mettez ces deux cy,
Nous sommes trop vengés par un tel sacrifice,
Scithes, que la pitié succède à la justice.

page 8,

Mais je n'userai point de la loi paternelle,
corrigez,
Je ne la gêne point sous la loi paternelle.

NB: les deux vieillards se lèvent (page 12) à ce vers,

Ce souvenir honteux soulève encor mon cœur.

page 59, ôtez,

Chaque mot qu'il m'a dit a glacé mon courage.

SOZAME

Je conçois ta terreur et mon cœur la partage,
et mettez à la place,
Où suis-je! qu'a t-il dit! où me voi-je réduitte!

SOZAME

Dans quel abîme affreux hélas! t'-ai-je conduitte!