1767-03-07, de Voltaire [François Marie Arouet] à David Louis Constant de Rebecque, seigneur d'Hermenches.

Puisque vous voulez, mon cher colonel, avoir la dernière leçon suivant laquelle on va jouer la pièce à Paris, la voicy.
Mais je crois que vous pouvez vous épargner à vous et à vos amis la peine d'aprendre tous ces changements. Cette peine ne servirait qu'à troubler et à égarer la mémoire à la veille d'une répétition. C'est une pièce très difficile à jouer. Le rôle d'Obeide surtout qui déguise ses sentiments jusqu'au milieu du dernier acte, demande beaucoup de travail. Il faut que les acteurs soient bien affermis dans leur rôle pour être à leur aise sur le théâtre.

Vous avez damandé comment on pourait ajuster la banquette sur laquelle les deux vieillards s'assaient au 1er acte, elle peut aisément occuper le quart de vôtre théâtre qui est petit comme le nôtre; et on peut dans l'entre acte la glisser dans les coulisses. Le mieux aurait peut être été de pratiquer deux berceaux à jour sur des montans fort minces, et on aurait mis la banquette sous l'un de ces berceaux.

Vous demandez aussi s'il faut un poignard à ressort pour mettre sur l'autel je crois que vous en avez un.

NB: Le moment où Althamare entre au 4e acte après avoir tué Indatire est trop violent pour qu'il parle longtemps. Il n'a pas un moment à perdre.

Si Athamare parlait au moment du sacrifice, il devrait dire à Obeide, Tu te moques de moi, tu dis que tu m'aimes comme une folle, et tu vas me tuer! il ne doit certainement pas lui dire, J'ai tué ton époux, j'ai fait couler tes pleurs puisqu'elle vient de déclarer qu'elle n'aimait que lui, et que par conséquent il ne doit pas croire qu'elle ait pleuré un époux qu'elle n'aimait pas.

C'est Cramer qui a lu la pièce à Vincy, c'est lui qui l'a imprimée, et qui n'en a donné d'éxemplaire à personne qu'à moi. Voulez vous bien avoir la bonté de me dire précisément quel jour vous donnerez ce petit spectacle à vos amis sur le théâtre de Monrepos.

Je vous dirai encor que j'aurais bien voulu faire périr Athamare; il le mérite bien, mais il n'y a pas moien de mettre deux coups de poignard sur le théâtre immédiatement l'un après l'autre. Celà est sévèrement deffendu par nos loix.

Je me flatte que vous passerez à Ferney en retournant à Paris.

Mille tendres respects.

V.

Acte 2e scène 2de

Otez le 1er couplet de cette scène,
et mettez celui cy à la place

INDATIRE

Cet autel me rapelle en ces forêts cy chères,
Tu conduis tous mes pas, je devance nos pères.
Je veux lire en tes yeux, entendre de ta voix
Que ton heureux époux est nommé par ton choix.
L'himen est parmi nous le nœud que la nature
Forme entre deux amants de sa main libre et pure.
Chez les persans, dit-on, l'intérêt odieux,
Les folles vanités, l'orgueil ambitieux,
De cent bisares loix la contrainte importune
Soumettent tristement l'amour à la fortune.
Icy le cœur fait tout, icy l'on vit pour soi,
D'un mercénaire himen on ignore la loi,
On fait sa destinée. Une fille guerrière
De son guerrier chèri court la noble carrière,
Elle aime à partager ses travaux et son sort,
L'accompagne aux combats et sait venger sa mort.
Préfères tu nos mœurs aux mœurs de ton Empire?
La sincère Obeide aime t'elle Indatire?

OBEIDE

Je connais tes vertus, j'estime ta valeur.
etca

Acte 5e scène 1ère

. . . . . . . . . . . . . . . .
Le cœur du criminel qui ravit son bonheur. —
Sozame a t-il apris à sa chère Obeide
Tout ce que l'on attend de son cœur intrépide?

OBEIDE

Je n'en aprends que trop.

SOZAME

Je vous l'ai déclaré
Je respecte un usage en ces lieux consacré.
Mais des sévères loix par vos aieux dictées
Les têtes de nos rois pouraient être exceptées.

LE SCYTHE

Plus les princes sont grands, et plus sur nos autels
etca

acte 5e scène 2de

Qu'il me garde la sienne il sera trop content.

SOZAME

Tu me glaces d'horreur.

OBEIDE

Allez, je la partage.
Seigneur Le temps est cher, achevez vôtre ouvrage
Laissez moi m'affermir. Mais surtout obtenez
Un traitté nécessaire à ces infortunés.
etca