1767-02-14, de Voltaire [François Marie Arouet] à David Louis Constant de Rebecque, seigneur d'Hermenches.

Dans un païs libre comme la Suisse, Monsieur, il est juste qu'un républicain l'emporte un peu sur un prince.
Songez que c'est un capitaine Bernois qui parle à Charles le téméraire. Je ne vous ai jamais dit d'ailleurs, que le rôle d'Athamare fût plus beau que celui d'Indatire. Vous avez eu la liberté du choix; pour moi je n'ai point celle de changer ces rôles; je suis encor dans mon lit, je perds les yeux, les jambes et la tête, et dans ce bel état je ne pourais faire que de très mauvais vers aléxandrins.

Vôtre guerre comique est fort plaisante. Vôtre chanson très jolie, et le parti des Aristides confondu le plus poliment du monde. J'aurais bien voulu être là. On dit que mr De Goloffkin achête la terre de Copet. C'est une belle acquisition. C'est là qu'on pourait faire un beau théâtre, mais il n'y en aura jamais de plus agréable que celui de Monrepos.

Je présente mes respects à tous les acteurs et actrices. Je n'ai pas encor perdu l'espérance de venir aplaudir leurs talents et sifler la pièce.

V.

Si pourtant vous vouliez de ces quatre vers cy, ils sont à vôtre service. C'est après qu'Indatire a dit

Aprends à mieux juger de ce peuple équitable,
Egal à toi, sans doute, et non moins respectable.

ATHAMARE

Elêve ta patrie et cherche à la vanter
C'est le recours du faible, on peut le suporter.
Ma fierté, que permet la grandeur souveraine
Ne daigne pas icy lutter contre la tienne.
Te crois tu juste aumoins?

INDATIRE

Oui, je puis m'en flatter.
etca