1767-02-14, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Augustin Feriol, comte d'Argental.

Mes chers anges, par excès de précautions, et par nouvelle surabondance de droit, j'adresse encore un nouvel exemplaire à m. le duc de Praslin, pour que vous ayez la bonté de la communiquer.
Il y a quelque peu de vers encore de changés, et les notes instructives sont plus amples. Il serait trop aisé de jouer le rôle d'Obeide à contre-sens; c'est dans ce rôle que la lettre tue, et que l'esprit vivifie; car dans ce rôle, pendant plus de quatre actes, oui veut dire non. J'ai pris mon parti, signifie, je suis au désespoir. Tout m'est indifférent veut dire évidemment, je suis très sensible.

Ce rôle joué d'une manière attendrissante fait ce me semble un très grand effet, et si nous avons deux vieillards, je crois que tout ira bien.

Je vous ai déjà mandé que j'avais prié m. de Thibouville d'avoir la bonté de disposer des rôles. Vous avez actuellement un grand nombre d'exemplaires. Vous me feriez plaisir d'en donner un à m. de Florian qui n'en abusera pas.

J'espère toujours qu'après pâques m. de la Harpe donnera quelque chose de meilleur que les Scithes. Il s'est trompé dans son Gustave, mais il n'en vaudra que mieux; et il est en vérité le seul qui ait un style raisonnable. Par quelle fatalité faut il que des pièces qu'on ne peut lireaient eu de si prodigieux succès? Cela est horriblement welche, et les Welches ne se corrigeront jamais. Vous qui êtes Français tenez toujours pour le bon goût.

Respect et tendresse.

V.