1765-12-17, de Voltaire [François Marie Arouet] à Philibert Charles Marie Varenne de Fénille.

Les Libraires de Genêve, Monsieur, viennent d'achever une édition de la Henriade in 4. corrigée et augmentée, qu'ils ont orné de très belles estampes.
Comme ces entreprises ne sont faittes que pour un petit nombre de curieux, je doute que l'imprimeur dont vous me parlez trouvât son compte dans l'édition qu'il se propose.

Je suis infiniment touché, Monsieur, du souvenir dont madame la comtesse de La Marck daigne m'honorer, nonseulement je la respecte, mais je prends la liberté de l'aimer; on dit qu'elle a autant de philosophie que d'esprit et de grâces; je la regarde comme la protectrice des gens qui pensent; je vous supplie de me mettre à ses pieds.

J'ignore si le Barnevelt de Mr Le Miére est le Barnevelt hollandais, immolé à la liberté de sa patrie sous l'abominable prétexte de je ne sais quelle hérésie calviniste, ou si c'est le Barnevelt anglais, mais je sais bien qu'il y aura un grand patétique dans sa pièce et des coups de théâtre admirables, j'ai en lui un confrère qui fait bien de l'honneur à nôtre art, et il est juste que les confrères s'aiment un peu. J'attendrai son ouvrage avec la plus grande impatience.

Pardonnez si je ne vous écris pas de ma main, les neiges m'ôtent prèsque entièrement l'usage de la vue. J'ai l'honneur d'être avec tous les sentiments que je vous dois, Monsieur, vôtre très humble et très obéïssant serviteur.

V.