1757-12-24, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jacob Vernes.

Voici monsieur ce que me mande Monsieur d'Alembert: j'écris à votre ami m r de Verne, il poura vous communiquer ma lettre.
Il me parait que ces messieurs n'ont pas lu l'article Geneve, ou qu'ils se plaignent de ce qui n'y est pas.

Or puisque vous voilà mon ami déclaré à Paris, communiquez moy donc mon cher ami cette lettre de Mr Dalembert. Je n'ay point encor le nouvau tome de l'enciclopedie et j'ignore absolument de quoy il s'agit. Je sçai seulement qu'en général m. Dalembert a voulu donner à votre ville des témoignages de son estime. Il dit que le clergé de France l'accuse de vous avoir trop louez tandis que vous autres vous vous plaignez de n'être pas louez comme il faut. Que vous êtes heureux dans votre petit coin du monde de n'avoir que de pareilles plaintes à faire tandis qu'on s'égorge ailleurs!

Puissent tous vos confrères perpétuer cette heureuse paix, cette humanité, cette tolérance qui console le genre humain de tous les maux auxquels il est condanné! Qu'ils détestent le meurtre abominable de Servet et les mœurs atroces qui ont conduit à ce meurtre [com]me le parlement de Paris doit détester l'assass[inat infâme] dont on fit périr Anne du Bourg, et comme [les hollandais] doivent pleurer sur la cendre des Barnevelt et des de With! Chaque nation a des horreurs à expier; et la pénitence qu'on en doit faire est d'être humain et tolérant.

Ne soyons ny calvinistes ny papistes, mais frères, mais adorateurs d'un dieu clément et juste. Ce n'est point Calvin qui fit votre relligion. Il eut l'honneur d'y être reçu, et vous avez eu parmy vous des esprits plus philosophes et plus modérez que luy qui font l'honneur de votre république. Bon soir. Quand il s'agit de paix et de tolérance, je suis trop babillard. Mes compliments à notre arabe.

V.