Ferney 17e 8bre 1763
Monseigneur,
Je défie mes trente neuf confrères de L'académie, de trouver des termes pour vous exprimer ma reconnaissance; ma nièce est dans le même embarras que moi.
J'ai fait parvenir à mon ingrat Curé les nouvelles de la protection que vous nous donnez. On lui a dit que le Roy entendait garder ses traittés avec ses voisins; il a répondu qu'il se . . . moquait des traittés, qu'il aurait mes dixmes, qu'il plaidait au Parlement de Dijon; que son affaire y était entamée depuis longtemps, qu'il m'enterrerait au plutôt, et qu'il ne prierait point Dieu pour moi. Je sens bien, Monseigneur, que je serai damné de cette affaire là, mais il est si doux d'avoir vôtre protection dans ce monde, qu'on prend son parti guaiment pour l'autre. Je suis bien sûr que vous soutiendrez vôtre dire avec le Parlement de Bourgogne, s'il a la rage de juger comme Perrin Dandin, s'il prétend que l'affaire, étant déjà entamée au Parlement, elle doit y rester. Vous nous permettrez bien alors de recourir à vos bontés.
Permettez moi de vous souhaitter une santé parfaitte, c'est la seule chose qui vous manque; sans celà, point de bonheur. Le travail qui est un plaisir, devient un fardeau quand on souffre. Permettez cette réflexion à l'attachement et à la reconnaissance.
Je suis avec un profond respect
Monseigneur
Vôtre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire