11e 9bre 1763 à Ferney
Monsieur,
Comme il n'est nullement vraissemblable que Sa Majesté fasse enrégistrer au parlement de Dijon d'anciens traittés, ni même de nouveaux, et qu'on me mande de Paris que l'intention de Mr le Duc de Praslin n'est pas de prendre ce parti; je m'en remets à la prudence du magnifique conseil, qui sûrement prendra la voie la plus convenable pour assurer ses droits.
Ils souffriraient peut être un jour quelques difficultés, si les traittés aiant été enrégistrés, toutes les affaires concernant les dixmes étaient portées au parlement de Dijon. Ces enrégistrements pouraient bien ne pas empêcher le parlement d'adjuger les dixmes aux curés, suivant le droit commun qui est sa seule règle. Toutes les affaires de cette nature ont été jusqu'à présent décidées au conseil du roy, qui a maintenu, et qui maintiendra vos prérogatives. Ce n'est que par un manque de formalité, que le procez de mesrs De Budé, concernant la dixme, a été tiré du conseil pour être renvoié au parlement de Dijon. Le curé de Ferney, contre lequel mesrs De Budé plaidaient au conseil du Roy, n'a obtenu son renvoi au parlement de Dijon que par défaut, et parce que Mrs De Budé, aiant perdu de vue cette affaire, n'avait pas répondu aux sommations du curé.
Il parait aisé de revenir contre cet arrêt, et je dois croire que Sa Majesté persistera dans l'intention qu'il a témoignée au parlement de Dijon, de maintenir les prérogatives de la Républiques de Genêve et celles des seigneurs qui en dérivent.
Aureste, Mr Cromelin poura facilement connaître les intentions de Mr le Duc de Praslin sur ce sujet. Quelque parti qu'il prenne, il est sûr qu'il vous sera avantageux; et qu'aiant une fois sa parole, comme celle du roy, vos possessions ne souffriront pas de difficultés à la Cour. Pour moi qui combas sous vos étendarts, j'ose me flatter d'un heureux succez.
Je prends la liberté de présenter mon respect au conseil. Agréez celui avec lequel j'ai l'honneur d'être
Monsieur
Vôtre très humble et très obéïssant serviteur,
Voltaire