Je m'adresse à vous, Mon Cher Cousin, pour vous prier de nous obtenir une faveur du Magnifique Conseil, au sujet d'un procès que nous avons avec le curé de Fernex, qui poursuivoit précédemment feu mon frère au Parlement de Dijon, pour réclamer, la moitié de la dixme, dont nous étions en possession, par la vente qui en fut faitte par messieurs de Berne, qui possédoient le pais de Gex, et les aliénations par les traittés, et sur tout par celuy d'Arau devoient rester fermes.
Nous obtinmes à la mort de mr de Montreäl, de faire évoquer l'affaïre au Conseil du Roy, où elle étoit pendante, lors que nous vendimes la terre de Fernex à mr de Voltaire, qui par le contrat se chargeat de ce procès à ses périls et risques, sans que nous pussions étre recherchés pour cette moitié de Dixme, quel que fut l'événement de ce procès; soit par l'indolence de mr de Voltaire, soit parce que le curé l'avoit assuré, qu'il ne songoit plus à plaider, aiant fait divers traittés avec luy, soit enfin parce que nôtre avocat au Conseil a eü une grande, et longue maladie, qui l'a empêché d'agir, Le curé a obtenu subrepticement, et par deffaut un arrêt, qui renvoie ce procès au Parlement de Dijon, où il a fait assigner mr De Voltaire, mr De Budé, mon frère, et mes. Pictet, pour se voir condamnés nonseulement à relâcher la moitié de la dixme de Fernex, mais aussi à luy restituer les arrérages perçus depuis qu'il est curé, tant par feu Mr de Montreal, et ses héritiers, que par mr De Voltaire, qui prend cette affaire fort à cœur, et qui a de la protection chés mes. Les ministres de France. Il nous a engagé à présenter de concert avec luy une requette au Conseil du Roy, pour y évoquer de nouveau cette affaïre, c'est son avocat mr Mariette au deffaut du nôtre, qui doit agir pour lui, et pour nous, il vient nous voir jeudy, pour en conférer ensemble, et nous demeurâmes tous d'accord, que si le magnifique conseil avoit la bonté d'ordoner au ministre de la République à Paris, d'en parler à monsieur le Duc de Praslin, comme d'une affaire d'état, qui interresse la sûreté des traittés, et qui parconséquent doit étre décidée par le Conseil de S. M., nous étions persuadés que cette recommandation nous seroit très favorable, et opéreroit avec les mesures que prend m. De Voltaire. Le Magnifique Conseil doit d'autant moins s'en faire de peine, qu'il est fort à craindre qu'après avoir attaqué les dixmes des particuliers, Les curés, enflés du succès, n'attaquent ensuitte ceux de la seigneurie, ce qui mérite son attention. Je vous serai très obligé mon cher Cousin, si vous voulés bien en parler au m. Conseil, je présume qu'il ne nous refusera pas cette recommandation. Vous connoissés, Mon Cher ami les sentimens tendres, et sincères avec les quels je suis Votre très humble, et très obéissant serviteur
Budé de Boisy
Pregny ce 13e aoust 1763
Je vous ajoutterai Mon Cher cousin que cette affaire presse, et que le plutôt sera le mieux.