A Gex le 29 9bre 1759
Monseigneur,
Les habitans de Fernex ont eu un gros procès avec le sr Ancian, curé de Moens, au sujet d'une dixme sçituée à Collovrex dans la possession de la quelle ce Curé a été maintenu deffinitivement par arrêt contradictoire du Parlement de Dijon du 14 aoust 1758, qui Condamne les habitans de Fernex à la restitution des fruits de cette dixme par eux perçus pendant plusieurs années et à tous les dépens.
M. de Voltaire, plus excellent poète que habile Jurisconsulte, avoit imaginé qu'il pouvoit faire révoquer cet arrêt ou au moins y faire apporter des modifications, il entretenoit les habitans de Fernex dans cette espérance, et conséquemment dans une entière inaction sur le Choix des moyens à prendre pour se libérer, lorsque le 12 avril dernier vous avés ordonné sur la requête du Curé de Moens que ces habitans imposeroient sur eux pendant trois années consécutives au marc la Livre de leur taille et par un rolle séparé la somme de 2102lt4s8dà la quelle montent la restitution de fruite et Les dépens.
Cette ordonnance a rencontré une grande difficulté dans son éxécution. Les habitans non communiers et les propriétaires forains ont prétendus ne devoir point être compris dans le Rolle de L'imposition, attendu qu'ils n'ont aucunement profité des fruits de La dîxme que La Communauté de Fernex est condamnée de restituer, et qu'ils n'ont pris aucune part n'y directement ny indirectement au procès; cette prétention qui paroit fondée rejettoit tout le poids de L'imposition sur un petit nombre d'habitans pauvres et hors d'état de supporter une charge si forte. M. de Voltaire touché de Leur situation a bien voulu pour prévenir toutes divisions entre ces habitans, leurs donner les moyens d'acquitter ce qu'ils doivent au sr Ancian, en Conséquence il leur a prêté sous le nom de Madame Denis sa niepce sans aucun intérêt une somme de 2100lt imputable chaque année sur la rente de 120lt, prix d'une admodiation que Les habitans de Fernex luy ont passé d'un marais, et d'un pré faisant partie de Leurs Communaux.
Cet arrangement est infiniment avantageux à La Communauté de Fernex, puisque sans rien débourser, elle se trouvera libérée dans peu d'années; C'est un trait des plus marqué de la générosité de M. de Voltaire envers Les Vasseaux de sa Niepce; j'ay L'honneur de vous adresser l'extrait original du Contract qui contient ces conventions réciproques avec toutes les pièces qui y sont rélatives. Je pense que vous ne trouverés aucune difficulté à Les autoriser.
Je suis avec un profond Respect
Monseigneur
Votre très humble et très obéissant serviteur
Fabry