à Ferney 6e 9bre 1759
Ceux qui se disent les seuls communiers de Ferney ont voulû emprunter à leur seigneur de quoi payer les frais exhorbitans que leur a faits le curé de Moëns; ils avaient fait présenter une requête à Monsieur L'Intendant pour qu'il leur permit d'emprunter et d'engager les fonds de leur commune; Monsieur L'Intendant a ordonné que toute la paroisse serait imposée au marc la Livre de la taille.
Comme ces communiers ne savent pas lire, ils ont crû, et ont fait croire qu'ils avaient la permission d'emprunter.
En conséquence ils ont passé un acte avec le seigneur qui leur a promis de leur prêter sans intérêt, suivant la permission de Monsieur L'Intendant; mais comme cette permission n'existe pas, L'acte est nul. Il convient donc que tous les paroissiens soyent taxés comme Mr L'Intendant l'a ordonné; mais s'ils supportent les frais de la communauté, il est juste qu'ils jouïssent des droits de commune que jusqu'à présent quatre ou cinq personnes se sont arrogées.
Monsieur le subdélégué est supplié de donner ses ordres sur cette affaire; le seigneur s'y conformera.
Je prends cette occasion pour le prier de vouloir aussi m'instruire, si dans les bois nommés forêts, de ce paÿs cy les Pins sont regardés sur le même pied que les chênes; et si lorsqu'on a stipulé dans un bouquet de bois appellé forêt le nombre des pieds d'arbres, on n'entend pas les chênes seulement?
Je le supplie de vouloir bien marginer ce mémoire que je ne peux cachetter n'ayant icy ni cachet ny cyre.
J'ai l'honneur d'être son très humble et très obéissant serviteur
Voltaire