1759-11-21, de Voltaire [François Marie Arouet] à Louis Gaspard Fabry.

Monsieur,

Autant que je suis sensible à vos attentions obligeantes, autant je suis éloigné de demander à Mr L'Intendant comme une grâce la permission de prêter aux communiers de Ferney l'argent nécessaire pour payer le prêtre qui les ruine.
Ces communiers qui sont au nombre de cinq, m'avaient dit qu'ils avaient de Mr L'Intendant permission d'emprunter, et c'est sur cette assurance que je voulais bien leur prêter sans aucun intérêt. Mais il me parait, monsieur, que Mr L'Intendant a pris un parti beaucoup plus sage, et plus utile pour la paroisse. Il a ordonné que la paroisse entière serait imposée au marc la livre de sa taille pour payer le curé de Moëns. Il résulte de cet arrangement deux avantages: le premier, que les communes ne seront point obligées d'engager leurs pâturages; le second que toute la paroisse aura droit de commune, puisqu'ayant également suporté l'impôt, elle aura également part au bénéfice.

Si pourtant, Monsieur, d'autres considérations engageaient à ne continuer le droit de commune qu'aux 4 ou 5 personnes qui en sont en possession, alors il faudrait bien qu'elles empruntassent, et en ce cas je serais prêt à payer pour eux pour les tirer de la situation accablante où ils sont. Vous pourriez, Monsieur, envoyez cette Lettre à Monsieur L'Intendant, sur la quelle il donnerait ses ordres.

J'ai l'honneur d'être avec tous les sentiments que je vous dois

Monsieur

Vôtre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire