[c. 1 February 1761]
Monseigneur,
J'espère que nonseulement vous excuserez, mais que vous aprouverez une importunité qui me pèse beaucoup plus qu'à vous.
Je ne comprends rien aux articles de vos Lettres qui regardent mon oncle. Il fait plus de bien à la province qu'aucun homme en place n'y en a fait depuis plusieurs siècles; il fait déssécher tous les marais qui infectent le pais, il prête de l'argent sans intérêt aux gentilhommes, il en donne aux pauvres, il établit des écoles où il n'y en a jamais eu, il défriche les terres incultes, il nourrit plus de cent personnes, il rebâtit une église. J'ose dire que la province le respecte et le chérit, et qu'il a droit d'attendre de vous autant de bonté et de considération qu'il a pour vous de déférence et de respect.
Je vous parle au nom de la province Monseigneur pour les affaires qui nous intéressent. Nous sommes tous indignez de voir des curez qui ne savent que plaider et battre les paysans. Voylà un curé de Merin qui vient de perdre le septième procez à Dijon et qui est condamné à l'amende. Voylà le curé de Moëns qui a eu huit procez civils, et qui est actuellement à son deuxième procez criminel. Au nom de dieu mettez ordre à ces scandales, et à ces violences. On vous trompe bien cruellement; croyez qu'il peut résulter des choses très funestes de la conduitte violente du curé de Moëns; si vous versez des larmes de sang vous empêcherez qu'un prêtre ne fasse verser le sang des chrétiens, et des sujets du Roy mon maître; vous n'êtes point étranger à la France, puis que la grande partie de Vôtre diocèse est en France.
Ne vous laissez point prévenir par les artifices de ceux qui croyent l'honneur de leur corps intéressé à soutenir un coupable, et qui ne sçavent pas que leur véritable honneur est de l'abandonner. Je me flatte toujours que vous agirez en père comun, que vous n'écouterez ny la faction ny la calomnie, que vous honorerez la vertu bienfaisante, et que nous nous loüerons de vôtre justice autant que j'ai l'honneur d'être avec respect
Mgr
Vôtre très humble et très obéissante servante.