à Ferney 10 janvier 1760 [1761] pays de Gex
Nous vous supplions Monseigneur, madame Denis et moy, en notre nom et au nom de la province de Gex de vouloir bien arrêter d'un mot un fléau qui nous menace.
L'infection est dans le pays par un marais voisin qui s'étend jusqu'aux jardins de notre châtau. Le certificat des juges du pays annexé à notre précédente requête et qui est entre les mains de Mr de Courteilles, porte qu'il n'est resté qu'un seul habitant dans le village où ce marais se forme. Au moment où j'ay l'honneur de vous écrire on enterre dans ma paroisse un de mes vassaux mort de la contagion. Tous les bestiaux qui paissaient auprès de ce marais sont morts. La province gémit, mais personne n'agit. Il faut des dépenses. Le peuple aime plus l'argent que la vie. J'aime mieux la vie que l'argent. Mais le temps presse. Les exhalaisons seront mortelles au printemps. Daignez monseigneur envoier cette lettre à Mr de Villeneuve, intendant de Bourgogne, afin qu'il donne les ordres les plus convenables et les plus promts au subdélégué de la province, homme de mérite et en qui il doit avoir confiance. Il est encor aisé de prévenir le danger où nous sommes. Bientôt il n'en sera plus temps.
Nous ajoutons à notre prière celle de nous recommander aux bontez de Monsieur de Villeneuve et de nous conserver votre bienveillance dont nous sentons depuis longtemps tout le prix.
Je suis avec baucoup de respect
Monseigneur
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire gentilhome orde de la chambre du Roy Denis